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de cuivre et qu’on fasse agir subitement sur lui les pôles d’un fort aimant, on verra le mouvement de rotation s’arrêter assez rapidement, comme sous l’influence d’un frein occulte. Il est inutile, pour notre objet, d’expliquer ici ce singulier effet qu’Arago a le premier découvert et dont il a fourni l’explication : il nous suffit de savoir que l’anneau en mouvement s’arrête parce qu’il obéit à une puissante résistance. Si l’on veut continuer à le faire tourner avec sa vitesse primitive, on est obligé de vaincre cette force invisible ; mais en même temps l’on remarque que l’anneau s’échauffe d’une manière très notable : dans les idées nouvelles, on est tenu de considérer cette chaleur comme la transformation directe de la force vive employée à vaincre la résistance. En comparant ces quantités, il devient donc possible de fixer l’équivalent mécanique de la chaleur.

Si j’insiste si longuement sur la détermination de cette donnée physique, c’est qu’on n’a pu encore en apprécier nettement la valeur. Les mesures qui l’ont fait connaître ne comportent qu’une exactitude insuffisante. Et d’ailleurs, dans la plupart des expériences, on n’est point certain que toute la force mécanique mise en jeu soit entièrement convertie en chaleur et ne soit pas partiellement dépensée en effets moléculaires dont l’influence se dérobe à l’observation. La recherche de l’équivalent mécanique de la chaleur se recommande d’ailleurs, non-seulement par sa portée théorique, mais encore par l’importance des applications pratiques. L’homme est constamment occupé à convertir de la chaleur en travail. L’énergie musculaire des animaux, les chutes d’eau, le vent, forces que la nature nous prête bénévolement, sont devenues insuffisantes dans nos sociétés modernes. À mesure que les nations s’élèvent sur l’échelle de la civilisation, elles ont besoin d’instrumens plus puissans pour assujettir la matière à des besoins qui se multiplient. La chaleur nous fournit, depuis l’invention des machines à vapeur, une force artificielle que chaque jour voit employer à de nouveaux usages : nos locomotives entraînent des poids gigantesques avec une prestigieuse vitesse ; les bateaux à vapeur franchissent les mers avec des poids de plus en plus considérables ; des machines scient le bois, travaillent les métaux, tissent les étoffes, élèvent les eaux, et bientôt peut-être accompliront une grande partie du travail agricole, comme elles accomplissent déjà presque tout le travail industriel. On s’étonne en songeant quelle quantité de puissance incalculable nous avons mise à notre service en apprenant à transformer la chaleur des combustibles en travail dynamique, mais on ne peut en même temps se dissimuler que nous dissipons imprudemment une richesse qui n’est pourtant pas sans limites : on dépeuple les forêts, on ne veut pas songer au jour où les réservoirs souterrains