Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éteint ses yeux et terminé mon supplice ; mais je n’ai rien avoué. On eût pu briser tous mes vieux os ! je n’aurais rien dit. Qu’importe de mourir à mon âge ?

— Vous vivrez encore, Stenson ! s’écria M. Goefle ; vous vivrez pour avoir une grande joie. Vous pouvez parler maintenant, le baron Olaüs a cessé de vivre.

— Je le sais, monsieur, dit Stenson, puisque je suis ici ; mais je n’aurai plus de joie en ce monde, car celui que j’avais sauvé n’existe plus !

— En êtes-vous bien sûr, Stenson ? dit M. Goefle.

Stenson promena ses regards autour de la chambre, qui était très éclairée. Ses yeux s’arrêtèrent sur Christian, qui se contenait pour ne pas avoir l’air de solliciter son attention, et qui affectait même de ne pas le voir, bien qu’il brûlât de se jeter dans ses bras.

— Eh bien ! dit M. Goefle au vieillard, qu’est-ce que vous avez, Stenson ? Pourquoi les larmes couvrent-elles votre figure ?

— Parce que je crains de rêver, dit Stenson, parce que j’ai déjà cru rêver en le voyant ici il y a deux jours, parce que je ne le connais plus, moi, et que je le reconnais pourtant !

— Restez là, monsieur Stenson, dit le ministre au vieillard, qui voulait s’approcher de Christian : une ressemblance peut n’être qu’un hasard insidieux. Il faut établir les faits avancés par vous dans la pièce qui vient d’être lue.

— C’est bien facile, dit Stenson, M. Goefle n’a qu’à vous lire l’écrit que je lui ai confié avant-hier, et il pourra ensuite établir l’identité de Cristiano Goffredi avec Christian de Waldemora, au moyen des lettres de Manassé que je lui ai également remises hier.

— J’avais juré, dit M. Goefle, de n’ouvrir cet écrit qu’après la mort du baron. Je l’ai donc ouvert il y a deux heures, et voici le peu de mots qu’il contient :

« Crevez le mur derrière le portrait de la baronne Hilda, au Stollborg, à droite de la croisée de la chambre de l’ourse. »

— Ah ! ah ! dit le major à l’oreille de M. Goefle, pendant que le ministre faisait enlever le portrait et procéder, sous la direction de Stenson, à l’ouverture de la cachette, j’aurais cru que la preuve se trouverait dans la chambre murée.

— Dieu merci, non, répondit du même ton l’avocat, car il eût fallu faire voir que nous y avions pénétré, chose dont, grâce aux grandes mappes remises en place, personne ici ne se préoccupe et ne s’aperçoit, et on eût pu nous accuser d’avoir mis là nous-mêmes de fausses preuves. C’est parce que j’ai pris connaissance, au château neuf, de l’avis mystérieux de Sten que je vous ai dit d’amener ici sans crainte beaucoup de témoins.