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rieux et s’arrêta immobile. Ces papiers en effet n’étaient pas les siens, cette écriture n’était pas la sienne ; mais son nom, ou plutôt un de ses noms, tracé par une main inconnue, lui avait, pour ainsi dire, sauté aux yeux, et cette phrase écrite en italien : Cristiano del Lago a aujourd’hui quinze ans,… éveillait vivement sa curiosité.

— Tiens, tiens, dit-il à l’enfant qui continuait à le tirailler en réclamant ce qu’il appelait son papier ; joue avec les marionnettes, et laisse-moi en paix !

Nils, voyant une poignée de petits hommes sur la table, se plongea avec délices dans l’occupation de les regarder et de les toucher, tandis que Christian, prenant la chaise que l’enfant venait de quitter et attirant à lui la bougie, se mit à déchiffrer une écriture détestable, avec un style italien et une orthographe à l’avenant, mais dont chaque mot, lu ou deviné, était pour lui une surprise extraordinaire.

— Où as-tu pris ces papiers-là ? dit-il à l’enfant tout en continuant de déchiffrer et de rassembler les fragmens déchirés et chiffonnés.

— Ah ! monsieur, que vous êtes donc beau avec vos grandes moustaches ! disait Nils à la marionnette qu’il contemplait avec extase.

— Répondras-tu ? s’écria Christian ; où as-tu trouvé ces papiers-là ? Sont-ils à M. Goefle ?

— Non, non, répondit enfin Nils après avoir été sourd à plusieurs questions réitérées. Je ne les ai pas pris à M. Goefle ; c’est lui qui les a jetés, et les papiers qu’on jette, c’est pour moi. C’est pour faire des bateaux, M. Goefle l’a dit ce matin.

— Tu mens ! M. Goefle n’a pas jeté ces papiers-là ! Ce sont des lettres, on ne jette pas des lettres, on les brûle. Tu as pris ça dans les tiroirs de cette table ?

— Non !

— Ou dans la chambre à coucher ?

— Dame non !

— Dis la vérité ! vite !

— Non !

— Je te tire les oreilles !

— Eh bien ! moi, je vais me sauver !

Christian arrêta Nils, qui voulait fuir avec les marionnettes.

— Si tu veux dire la vérité, lui dit-il, je te donne un beau petit cheval avec une housse rouge et or.

— Voyons-le !

— Tiens, dit Christian en cherchant le jouet qui faisait partie de son matériel ; parleras-tu, coquin ?

— Eh bien ! dit l’enfant, voici ce qui est arrivé. J’ai été tout à