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pagne, sur le lac de Pérouse, avec les Goffredi. Le jeune homme a aujourd’hui quinze ans… Il est grand et fort… Il ressemble à son père… » Oh ! oui, certes, Christian, vous lui ressemblez !

— Mon père ? Qui donc est mon père ? s’écria Christian. Vous le savez donc ?

— Tenez, dit M. Goefle ému en lui tendant un médaillon qu’il tira de sa poche, regardez ! Voilà ce que Stenson vient de me confier. Ceci est un portrait ressemblant, authentique… N’est-ce pas vous à s’y méprendre ?

— Ciel ! dit Christian effrayé en regardant une fort belle miniature ; je n’en sais rien, moi ! Mais ce jeune homme richement habillé, n’est-ce pas là le baron Olaüs dans sa jeunesse ?

— Non, non, vive Dieu ! ce n’est pas lui !… Mais ne me dites rien, Christian, je lis, je commence à comprendre ! Dans une autre lettre, vous êtes désigné sous le nom de votre neveu, et non plus mon neveu ; dans une autre encore, notre neveu. Il devient évident pour moi que c’est une précaution pour détourner les soupçons dans le cas où les lettres seraient interceptées, car vous n’avez de parenté ni avec l’homme qui a écrit ces lettres, ni avec Stenson, à qui elles sont adressées.

— Stenson ! c’est donc à lui que l’on rendait ainsi un compte sommaire de ma santé, de mes progrès, de mes voyages ? car j’ai vu cela en feuilletant. On parle de mon duel, voyez, à la date de Rome, juin mil sept cent…

— Attendez !… Oui, oui, j’y suis. Il y a une lettre par année. « Il a eu le malheur de tuer Marco Melfi, qui était… » Des réflexions ! … « Le cardinal ne voudra pas se venger… J’espère découvrir ce que notre pauvre enfant est devenu… » Ah ! voici une lettre de Paris… « Impossible de le retrouver… Je pourrais vous tromper, mais je ne le veux pas. Je crains qu’il n’ait été arrêté en Italie. Pendant que je le cherche ici, il est peut-être enfermé au château Saint-Ange !… » Attendez, Christian ; ne vous impatientez pas. Voici une lettre qui doit être la plus récente ! Elle est datée du six août dernier, de Troppau, en Moravie. « J’étais bien cette fois sur sa trace… C’est lui qui avait pris le nom de Dulac à Paris ; mais il est parti pour un voyage, où malheureusement il a péri tout dernièrement. Je viens de dîner à l’auberge avec un nommé Guido Massarelli, que j’ai connu à Rome, qui le connaissait, et qui m’a dit qu’on l’avait assassiné dans la forêt de… » Illisible ! « Je renonce donc à le chercher, et comme mon petit commerce me rappelle en Italie, je vais partir demain avant le jour. Ne m’envoyez plus d’argent pour m’aider dans mes voyages. Vous n’êtes pas riche… pour avoir été honnête homme. C’est comme moi, votre serviteur et ami, Ma… Mancini… Manucci ? »