Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettres, qu’il vaut mieux courir la chance d’une mauvaise rencontre sur le grand espace du lac que d’attendre ici qu’on nous prenne au gîte. Il est déjà neuf heures ; nous devions être là-bas à huit ! Et on ne vient pas savoir pourquoi nous sommes si en retard ! C’est singulier ! Attendez, Christian ! Votre fusil est-il chargé ? Prenez-le. Moi, je prends mon épée. Je ne suis ni un Hercule, ni un spadassin ; mais j’ai su autrefois me servir de cela comme tout autre étudiant, et si on nous cherche noise, je ne prétends pas me laisser saigner comme un veau ! Promettez-moi, jurez-moi d’être prudent, c’est tout ce que je vous demande.

— Je vous le promets, répondit Christian ; venez.

— Mais ce maudit enfant qui s’est endormi là en jouant, qu’allons-nous faire de lui ?

— Portez-le sur son lit, monsieur Goefle ; ce n’est pas à lui qu’on en veut, j’espère !

— Mais on assomme un enfant qui crie, et celui-ci criera, je vous en réponds, s’il est réveillé par quelque figure inconnue.

— Eh bien ! que le diable soit de lui ! Il nous faut donc l’emporter ? Rien de plus facile, si nous ne rencontrons pas de gens malintentionnés ; mais, s’il faut se battre, il nous gênera fort, et il pourra bien attraper quelque éclaboussure.

— Vous avez raison, Christian ; il vaut encore mieux le laisser dans son lit. Si on surveille nos mouvemens, on saura bien que nous sortons, et on n’aura que faire d’entrer ici. Gardez toujours la porte. Cette fois, le petit coucher de M. Nils ne sera pas long. Il dormira tout habillé.

XVII.

M. Goefle venait à peine de porter son valet de chambre sur son lit qu’il appela Christian. — Écoutez ! lui dit-il. C’est par notre chambre que l’on vient. On frappe à cette porte.

— Qui va là ? dit Christian en armant son fusil et en se plaçant devant la porte de la chambre de garde, qui donnait, on s’en souvient, sur la galerie intérieure du préau.

— Ouvrez, ouvrez, c’est nous ! répondit en dalécarlien une grosse voix.

— Qui, vous ? dit M. Goefle.

Et, comme on ne répondait plus, Christian ajouta : — Avez-vous peur de vous nommer ?

— Est-ce vous, monsieur Waldo ? répondit alors une voix douce et tremblante.

— Marguerite ! s’écria Christian en ouvrant la porte et en voyant la jeune comtesse et une autre jeune personne qu’il avait vue au