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— Mettons une lumière sur la fenêtre de la salle de l’ourse, dit M. Goefle, cela servira à les diriger.

— Oh ! oui-da, dit Péterson, ils ne la verront pas plus qu’on ne voit les étoiles.

— N’importe, essayons toujours, dit Martina.

— Non, ma chère, répondit Marguerite ; les assassins sont probablement égarés aussi, puisqu’ils ne sont pas encore venus. Ne les aidons pas à se retrouver avant que MM. les officiers…

— MM. les officiers seront les bienvenus, à coup sûr, reprit M. Goefle ; mais à présent, nous voilà trois hommes bien armés : je connais Péterson, c’est un vigoureux compère… Et puis, chères demoiselles, n’auriez-vous pas pris des curieux pour des assassins ? Où les avez-vous vus ?

— Racontez, Martina, dit Marguerite, racontez ce que nous avons entendu !

— Oui, oui, écoutez, monsieur Goefle, reprit Martina en prenant un petit air d’importance plein d’ingénuité. « Il y a deux heures, … deux heures et demie peut-être, le jeune monde du château, comme on nous appelle là-bas, jouait à se cacher dans les bâtimens de l’enceinte du château neuf. J’étais avec Marguerite et le lieutenant ; on avait tiré au sort, et puis deux femmes, nous eussions eu trop peur pour courir dans des corridors sombres et dans des chambres que nous ne connaissions pas ; il nous fallait bien un cavalier pour nous accompagner ! Le lieutenant ne connaissait pas plus que nous la partie du château où nous nous étions aventurés. C’est si grand ! Nous avions traversé une longue galerie déserte et descendu au hasard un petit escalier presque tout noir. Le lieutenant marchait le premier, et, ne trouvant rien d’assez embrouillé dans cet endroit-là pour nous bien cacher, il allait toujours, si bien qu’on ne voyait plus du tout, et que nous commencions à craindre de tomber dans quelque précipice, quand il nous dit : « Je me reconnais, nous sommes devant la grosse tour qui sert de prison. Il n’y a pas de prisonniers, car voici la porte ouverte. Si nous descendions dans les cachots, je vous réponds qu’on aurait de la peine à nous trouver là. » Mais l’idée de s’enfoncer dans les souterrains, qu’on dit si grands et si affreux, fit peur à Marguerite : « Non, non, n’allons pas plus loin, dit-elle ; restons à l’entrée. Voilà une petite embrasure masquée par des planches, restons là et ne parlons plus, car vous savez bien qu’il y a des joueurs qui trichent et qui rôdent pour avertir les autres. » Nous avons fait comme voulait Marguerite ; mais à peine étions-nous là, que nous avons entendu venir, et, pensant qu’on était déjà sur nos traces, nous nous retenions de rire et même de respirer. Alors nous avons entendu les propres paroles que je vais vous redire. C’étaient deux hommes qui sortaient de la tour