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une protection sérieuse n’avaient jamais été méconnus. On obtint ainsi de meilleurs résultats. Aujourd’hui une période de quarante années, remplie par de sérieuses expériences, ne demandé qu’à être attentivement étudiée pour démontrer quel brillant avenir s’offre à notre colonie du Sénégal. Dès ce moment, on entrevoit pour elle la possibilité de prendre rang bientôt en avant de la Guyane et de Pondichéry, à côté et peut-être au-dessus de nos Antilles et de Bourbon, à quelque distance seulement de la colonie algérienne, qui a rapidement dépassé toutes ses aînées.

Tel est le sentiment qui a prévalu de nos jours dans les conseils de la métropole, et qui a trouvé dans le gouverneur actuel du Sénégal, M. Faidherbe, un interprète convaincu et résolu. Par quel concours d’événemens a été amené ce retour vers une politique plus entreprenante et plus confiante ? Par quels moyens et au prix de quels sacrifices s’ouvrira une voie plus large à l’influence française ? Quels en seront les bienfaits pour les indigènes, les profits pour les Européens, les avantages pour la France ? Autant de questions qu’il nous paraît opportun d’examiner. En les posant et en les appréciant, en racontant d’abord les travaux de la guerre pour exposer ensuite les avantages et les conséquences probables de la paix, nous n’avons pas cédé à la seule considération des intérêts politiques ou commerciaux qui sont en jeu dans les affairés du Sénégal, quoique nous les tenions en haute estime. Dans toute fondation coloniale, nous trouvons un mérite d’un ordre plus élevé encore : c’est l’établissement d’une société régulière au moyen des matériaux bruts et incohérens qui l’entourent, phénomène des âges primitifs qui se renouvelle de nos jours sous nos yeux, et qui nous permet d’assister à la formation naissante de ces communautés homogènes, membres vivans de l’humanité, qui en grandissant deviennent des états et des nations.


I. — LE FLEUVE ET LES POPULATIONS RIVERAINES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LA COLONIE. — PROGRAMME DE REFORMES.

Le fleuve du Sénégal ne donne pas seulement son nom à la colonie, il lui donne la vie et là fortune. Dans un cours de plus de quatre cents lieues, depuis sa source au cœur des montagnes de l’intérieur jusqu’à son embouchure dans l’Océan-Atlantique, il détermine en grande partie les caractères physiques et même les conditions sociales du pays qu’il traverse. C’est lui qui forme la grande ligne de séparation entre les deux races principales d’habitans indigènes, encore plus divisées par des haines implacables que par ses eaux, les Maures sur la rive droite, les noirs sur la rive gauche.