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Sur la rive gauche du Sénégal sont distribuées des populations de couleur noire, divisées en une multitude de peuplades, qui peuvent se ramener à quatre variétés principales : les Ouolofs, les Sérères, les Sarakholès, les Mandingues. En s’abstenant de toucher au problème des origines premières, on peut considérer la race noire comme autochthone sur ces rivages, ainsi que dans toute l’Afrique centrale, car elle s’y trouve installée aux premières lueurs de la tradition et de l’histoire. Plus tard, à une époque non déterminée encore, survint des régions orientales, de l’Ethiopie suivant certains savans, de l’archipel malais suivant d’autres, une seconde race au teint brun rougeâtre, se rapprochant du type sémitique par le nez droit et le front proéminent, surtout par l’énergie du caractère et l’étendue de l’intelligence : elle reçut successivement les noms de Fellatah, Foula, Foul, Peul. Dans certains états, elle domine les noirs ; en d’autres, elle vit isolée dans l’indépendance de la vie pastorale ; ailleurs enfin, elle s’est alliée à la race noire, et de leur croisement est résulté un type mixte, les Toucouleurs (two colours), désignation exotique qui atteste la profonde et durable empreinte de la langue anglaise, introduite à Saint-Louis par les Anglais de 1758 à 1779 et de 1809 à 1817.

Sur la rive droite du Sénégal campent les Maures, mélange de tribus arabes et berbères, qui, poussées sans doute par les grandes migrations arabes du VIIe et du XIe siècle dans la péninsule atlantique, ont franchi la barrière réputée infranchissable du Sahara, et envahi les vastes solitudes qui s’étendent depuis la lisière méridionale du désert jusqu’aux bords du fleuve. Les Maures se divisent en trois grandes tribus, subdivisées elles-mêmes en une multitude de fractions commandées par des cheikhs qui obéissent à un cheikh suprême, que nous qualifions un peu légèrement peut-être du nom pompeux de roi. La couleur locale y gagnerait en vérité, si l’on rendait à ces monarques et à leur cortège fantastique de princes et de princesses leurs simples titres indigènes. Au moins l’imagination, pour ne pas s’égarer loin de la réalité et s’en faire une image bien exacte, doit-elle se reporter, non aux cours européennes ou asiatiques de notre âge, mais aux temps homériques et bibliques, ou bien, plus près de nous, sous les tentes de l’Algérie, qui nous ont montré les chefs des peuples dans la simplicité primitive de leurs costumes et de leurs allures. Les trois grandes tribus maures sont : les Trarzas, dans le bas du fleuve, au voisinage immédiat de Saint-Louis ; les Braknas, à la hauteur moyenne du fleuve ; les Douaïches, dans la zone supérieure. Chez les Trarzas et les Braknas, l’élément arabe domine ; les Berbères y sont tributaires. Chez les Douaïches au contraire, les Berbères ont conservé leur indépendance