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tombeau des blancs ; elle leur demandait s’ils n’avaient ni mère ni épouse dans leur patrie, s’ils ne possédaient ni cases, ni troupeaux, ni captifs ; puis, faisant un retour sur elle-même, elle devenait triste et fondait en larmes, car la vue de ces Français lui rappelait le souvenir de son mari. Pendant tout leur séjour, elle les entoura de soins et d’attentions d’une exquise délicatesse. À la reconnaissance que toutes ces bontés inspiraient aux voyageurs se joignit bientôt chez ces derniers une vive admiration pour la personne qui les prodiguait, et qui, au lieu d’une négresse aux traits grossiers, comme ils auraient pu s’y attendre, leur présentait un type d’une rare distinction. Chez Sadiaba, comme dans toute la nation des Peuls ou Foulah, à laquelle elle appartient, la nuance cuivrée du teint s’allie à beaucoup de caractères de la race caucasique. Ses traits sont réguliers et distingués, ses pieds et ses mains d’une finesse remarquable ; mince, bien faite, extrêmement gracieuse, elle joint à ces avantages une expression douce et bienveillante qui séduit. À la voir, on comprend que Sadiaba ait inspiré de l’amour. Ses vêtemens, d’une extrême simplicité, mais d’une propreté recherchée, portés avec la plus noble aisance, font penser à ces belles princesses de l’Odyssée chez qui les plus humbles soins domestiques sont relevés par la dignité royale du maintien. Cette propreté s’étend jusqu’à sa case, où règne le comfortable nègre le plus complet.

Quand M. Faidherbe eut raffermi et protégé par un fort bien armé les amitiés que Duranton nous avait de longue date préparées à Médine, il redescendit par le fleuve à Saint-Louis, et pensa aux mesures que rendait nécessaires la conduite tenue par les tribus en réponse aux appels du prophète. Les Trarzas avaient appuyé la levée d’armes. Les Braknas s’étaient partagés suivant leurs sentimens favorables ou contraires à la France. Dans le Oualo et le Cayor, les noirs avaient été ébranlés, bien qu’un nombre assez faible eût été entraîné. Le Fouta malgré une trêve conclue avec son almami, et le Bondou malgré la fidélité de son chef Boubakar, avaient fourni à la guerre sainte de nombreux soldats. Le soulèvement du haut pays, l’agitation s’étendant jusqu’au littoral, accusaient l’insuffisance de notre action et les faibles racines de notre autorité. Dès que son plan fut arrêté, le gouverneur fit connaître ses intentions au moyen de circulaires répandues à flot parmi les populations. Ses conditions de paix étaient les suivantes : pour les noirs, séparation éternelle entre le Oualo et les Maures, invitation de se liguer avec lui pour reprendre sur les Trarzas le butin que ces pillards avaient emporté depuis cent ans, expulsion irrévocable du Oualo de l’ancienne famille régnante. Aux Maures, le gouverneur posait comme ultimatum l’abandon définitif, en droit ainsi qu’en fait, du Oualo et