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que des griefs communs cimenteraient les sympathies déjà conquises. L’événement justifia pleinement cette prévision. M. Flizes remonta la Falêmé en bateau à vapeur, spectacle que les riverains contemplaient pour la première fois, et qui excita parmi eux un vif sentiment d’admiration et de respect. Après avoir communiqué avec le poste de Sénoudébou, il remonta jusqu’à la hauteur de Kaniéba, localité célèbre par la richesse de ses mines d’or. Les habitans offrirent de se mettre sous la protection de la France, et M. Flizes dut s’entendre avec les divers chefs qui se partagent l’autorité pour la cession d’un territoire et l’établissement d’un fort destiné à défendre le pays, suivant le vœu général, contre un retour offensif des bandes d’Al-Agui. Rentré à Sénoudébou, cet officier résolut de traverser le Bambouk de part en part pour atteindre Médine, ce qu’il fit heureusement.

M. Faidherbe revenait de France au commencement de novembre 1856, et dès le mois suivant il ouvrait une campagne nouvelle dans le bas du fleuve. Le prétendant Éli avait reparu dans le Oualo, avait même détruit le village de Gandon, qui, bien qu’appartenant au Cayor, se montrait dévoué à nos intérêts. Une semaine suffit pour réduire cet adversaire que n’appuie aucun parti sérieux, et il n’échappa aux poursuites qu’en se réfugiant sur les limites du Cayor et du Djiolof, où la plupart de ses partisans refusèrent de le suivre. Le gouverneur fit garnir de blockhaus et de postes armés la frontière de ces états, et nos sujets noirs se croyaient désormais en possession d’une paix assurée, lorsque l’imprudente témérité d’un de leurs chefs vint arrêter cet essor de prospérité et rejeter le Oualo dans un abîme de misères et de souffrances dont il n’est pas encore sorti. Farapenda, le guerrier indigène dont la bravoure avait mérité une distinction officielle, s’aventura avec des forces insuffisantes dans une razzia au cœur du pays des Trarzas. Après un engagement très vif, où il combattit vaillamment suivant sa coutume, il fut réduit à s’enfuir, abandonnant une centaine de cadavres : premier, mais grave échec, surtout par l’effet moral qu’il produisait chez les noirs pour les décourager, chez les Maures pour les enhardir. La preuve en devint bientôt manifeste. Au mois d’avril, pendant que le gouverneur faisait une tournée pour ranimer les esprits, une bande de trois ou quatre cents Trarzas passait le fleuve et se jetait sur la rive gauche, où elle mettait tout à feu et à sang. Les noirs terrifiés ne se défendirent pas, et tous ceux qui n’étaient pas protégés dans leurs villages par des blockhaus les désertèrent. La journée du 28 avril 1857 devint une date néfaste dans les annales du Oualo.

La population de Saint-Louis s’émut de tant d’audace : deux