Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenir vivant. Je sais bien que vous n’y êtes pour rien et que vous avez été blessé… Vous êtes vif, vous êtes brave et généreux, mais vous n’êtes pas prévoyant quand il s’agit de vous-même. Moi, je dis que cette affaire-ci peut vous mener à l’échafaud, parce que vous avouerez loyalement le fait de provocation à vos ennemis, tandis que les drôles nieront tout effrontément !… Lisons donc, et ne négligeons aucun moyen de faire triompher la vérité.

— Oui, oui, major, lisez, j’écoute, s’écria Marguerite, qui était devenue pâle en regardant la manche ensanglantée de Christian ; je témoignerai, dussé-je y perdre l’honneur !

Christian ne pouvait accepter le dévouement de cette noble fille, et il supportait impatiemment l’autorité que le major s’arrogeait sur elle. Le major avait pourtant raison, et Christian le sentait, puisqu’en cette affaire l’honneur de l’officier n’était pas moins en jeu que le reste. Il s’assit brusquement, et couvrit sa figure de ses mains pour cacher et retenir les mouvemens impétueux qui l’agitaient, tandis que le major faisait lecture à haute voix du journal de maître Johan, écrit par lui-même et envoyé au baron durant la chasse.

— Cette pièce est très mystérieuse pour moi, dit le major en finissant ; elle prouve un complot bien médité contre Christian, mais…

— Mais vous ne pouvez comprendre, dit M. Goefle, qui, pendant la lecture de cette pièce, avait rapidement parcouru l’autre, tant de haine contre un inconnu sans nom, sans famille et sans fortune, de la part du haut et puissant seigneur le baron de Waldemora ? Eh bien ! moi, je comprends fort bien, et, puisque nous avons la preuve de l’effet, il est temps de connaître la cause ; la voici. — Relève la tête, Christian de Waldemora, ajouta M. Goefle en frappant la table avec énergie, le ciel t’a conduit ici, et le vieux Stenson avait raison de le dire : « Les richesses du pécheur sont réservées au juste ! »

Un silence de stupeur et d’attente permit à M. Goefle de lire ce qui suit :

« Déclaration confiée par moi, Adam Stenson, à Taddeo Manassé, commerçant natif de Pérouse,

« Pour être remise à Cristiano le jour où les circonstances ci-dessous mentionnées le permettront.

« Adelstan Christian de Waldemora, fils de noble seigneur Christian Adelstan, baron de Waldemora, et de noble dame Hilda de Blixen, né le 15 septembre 1746, au donjon du Stollborg, en la chambre dite de l’ourse, sur le domaine de Waldemora, province de Dalécarlie ;

« Secrètement confié aux soins d’Anna Bœtsoï, femme du danne-