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sillonner l’Europe, en reliant entre elles toutes les nations, amènera tôt ou tard l’uniformité des mesures de tout genre, les délimitations rationnelles des territoires, la suppression des entraves que des nécessités d’un autre âge ont fait introduire dans les relations des peuples.

Le chemin de fer apparaît maintenant partout. Parmi les présens que les Américains adressaient aux Japonais, en 1852, par l’intermédiaire du commodore Perry, figurait un rail-way en miniature. Une petite machine, tournant dans un cercle de quelque étendue, remorquait, avec une vitesse d’une trentaine de kilomètres à l’heure, un petit wagon où un enfant aurait eu peine à entrer. Un témoin oculaire représente maint grave dignitaire du Japon assis sur le haut du véhicule, et s’y cramponnant, pendant que sa robe flotte au gré du vent, avec un mélange de stupeur et d’effroi tout à fait comique. À la fin de l’année dernière, le jour de la fête de la reine de Grèce, le roi Othon a inauguré l’avènement de l’ère industrielle dans laquelle va sans doute entrer cette nation classique des Hellènes, en signant l’acte qui concède à une compagnie française le premier chemin de fer grec. Le début est modeste, car il ne s’agit que d’une voie ferrée de neuf kilomètres destinée à relier Athènes au port du Pirée ; mais quelles réflexions ne suggère pas le parcours prochain d’une locomotive le long des côtes de l’Attique, là où se trouvaient les murs de Thémistocle et de Périclès, entre la ville de Minerve et son port naturel ! L’empire ottoman doit de son côté devenir tributaire de la nouvelle industrie par l’établissement projeté de deux chemins de fer partant de Constantinople, et se dirigeant l’un sur Belgrade pour relier la Turquie à l’Autriche, l’autre sur Bassora pour atteindre le Golfe-Persique. Depuis six mois déjà, le sifflet des machines anglaises retentit aux abords de Smyrne. L’Égypte est plus avancée, et le voyageur qui va d’Alexandrie au Caire peut, aux stations du chemin de fer qui relie ces deux points, voir en même temps les représentans du système primitif de locomotion et du système moderne, le chameau biblique et la locomotive. Sous cette nouvelle forme, le passé et l’avenir vont prochainement aussi se trouver en présence au pied des.murs de la ville éternelle. Enfin on sait que depuis un an l’exécution du réseau général des chemins de fer algériens est décrétée, et les premiers coups de pioche viennent d’être donnés. Il n’est donc pas un point du monde aujourd’hui où les voies ferrées ne pénètrent ou ne s’étendent, et plus que jamais aussi l’intérêt général doit se porter sur les publications propres à faire apprécier le nouveau mode de locomotion dans les résultats acquis, comme à faire pressentir les progrès qu’il lui reste à réaliser encore.


E. LAMÉ FLEURY.