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MOS DE LAVÈNE
SCÈNES ET SOUVENIRS DU BAS-LANGUEDOC.

I



Fabriac est un petit village du Bas-Languedoc. Assis au pied du mont Saint-Loup, la première montagne de la chaîne des Cévennes, il disparaît presque tout entier sous les majestueuses roches grises qui l’environnent. Ni les arts, ni la science n’ont jamais pénétré dans ce coin de terre presque inconnu, dont les habitans ont gardé la simplicité des premiers âges. Cependant, malgré les teintes sévères du paysage qui l’entoure, malgré l’âpreté de ses roches, malgré sa rare verdure, son mince filet d’eau et ses maisons pauvres et nues, peut-être même à cause de tout cela, Fabriac offre au touriste un attrait particulier. On y respire un air salubre, pur, vivifiant, qui calme les sens et repose l’esprit fatigué des agitations mondaines.

Par une belle journée du mois de septembre, époque où le midi de la France jouit de son véritable printemps, un jeune voyageur, le sac sur le dos et la tête inclinée, s’était assis sur une petite éminence de gazon jauni. Il venait de quitter la grande route, et avant de s’engager dans un petit sentier qui mène à Fabriac, il se reposait, plutôt par recueillement que par lassitude, en face du panorama pittoresque qui se déroulait sous ses yeux. Une brise douce et embaumée rafraîchissait l’air. La nature était calme, et les sons les plus affaiblis devenaient perceptibles. On entendait la clochette des troupeaux sur la pente des collines, le roulement, assourdi par les ornières sablonneuses, des charrettes remplies de raisin, et les éclats de rire des vendangeurs qui s’élevaient au loin. Les échos répétaient ces mélodies champêtres, comme les tons gradués d’un