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mignon. Mais bientôt Marcel détourna les yeux de ce tableau champêtre, qui lui parlait le simple et naïf langage de son enfance, pour contempler le point de l’horizon que la Méditerranée bordait d’un mince ruban d’azur. Le jeune homme crut voir, sur ces rivages lointains, Noélie assise devant les vagues murmurantes. La brise matinale, en le caressant, semblait lui apporter les doux encouragemens de sa fiancée, et le jeune homme, appelé par une voix mystérieuse, se mit rapidement en marche vers Montpellier.

Madeleine attendait son fils au détour des grandes roches ; la mos cachait, sous sa mantille, un petit coffre qui renfermait le lourd clavier d’argent, la chaîne d’or, les longues boucles d’oreilles, enfin tout son trésor ; elle le remit à Marcel, puis, en l’embrassant, elle lui promit de lui envoyer bientôt d’autres ressources. — Je prierai tous les jours pour toi, dit-elle ; tu seras heureux, mon Lavenou, car Dieu bénit les mères qui l’implorent au nom du travail et du bonheur de leur enfant.

Et Marcel partit, non sans s’être retourné souvent pour envoyer de nouveaux adieux à sa mère, restée immobile à l’angle du chemin.

À partir de ce jour, la pauvre mos se promit de n’épargner aucun effort pour que sa prédiction se réalisât, pour que Marcel fût heureux. L’humble paysanne était condamnée à finir sa vie comme elle l’avait commencée, par le dévouement. Sa prévoyance maternelle lui disait que la parcimonie de maître Lavène allait tristement aggraver pour Marcel l’épreuve qui lui était imposée. Un jour ou l’autre, la ménagère serait forcée de recourir au travail de ses mains pour assurer à son fils les moyens de poursuivre le but indiqué par Mme de Presle. Elle accepta cette perspective avec résignation, et les circonstances qu’elle redoutait ne se présentèrent que trop tôt.

Un soir, Madeleine pleura amèrement. Marcel lui écrivait qu’il n’avait pas eu depuis quelques jours de nouvelles de Noélie, et il lui semblait que le soleil qui éclairait son esprit s’était éteint. La crainte commençait à entrer dans l’âme du jeune homme, il doutait de lui, et pour surcroît de chagrin il ne lui restait plus du trésor maternel qu’une bague qu’il voulait garder comme une relique sacrée. Madeleine ne dormit pas de la nuit, et au point du jour elle demanda la permission à maître Lavène d’aller glaner des olives pour envoyer à Marcel le produit qu’elle retirerait de l’huile. Un peu de libéralité de la part de maître Lavène aurait épargné à sa femme la fatigue extrême à laquelle elle allait s’exposer, mais il se contenta de l’engager à veiller à ce qu’il ne manquât rien à la maison pendant son absence.