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des races croisées, quand rien ne trouble l’action des lois naturelles, n’apparaissent avec plus de vérité qu’au Sénégal.

Ce fonds primitif d’une population déjà fort mélangée s’est accru de la classe des anciens esclaves affranchis en divers temps par leurs maîtres ou par la loi. Dans leurs rangs, on compte ceux qu’on appelait au Sénégal, depuis l’année 1823 jusqu’en 1846, les engagés à temps, sorte d’esclaves qui n’étaient soumis qu’à une servitude de quatorze ans. Exercés les uns et les autres aux divers travaux de l’industrie locale, ils représentent un des élémens de la population industrielle et manouvrière de Saint-Louis. Pour ces groupes divers de couleur noire, la différence d’origine première commence à s’oublier, ou du moins elle ne se perpétue pas dans une qualification particulière : par un premier travail d’assimilation, une masse homogène commence à se former. Il en est autrement de certains groupes qui, bien que comptés parmi la population sédentaire, se trouvent dans une condition moyenne, entre la résidence définitive et les courses nomades. Tels sont d’abord les Bambaras, originaires du Khaarta et du Ségou, au nombre de deux cent cinquante environ, presque tous anciens esclaves à Saint-Louis. Emancipés en 1848, ils ont su ne pas abuser de leur liberté. Ils occupent dans la ville un quartier à part, construit en huttes de paille, que de fréquens incendies obligent à renouveler souvent. Ils se distinguent par une industrieuse activité : ils font et brodent la plupart des ouvrages en cuir à l’usage des noirs, fabriquent le charbon, vendent le bois à brûler. En temps de guerre, ce sont de braves soldats. Sobres, rangés, économes, rappelant les Savoyards et les Auvergnats de Paris, les Biskris et les Mozabites de l’Algérie, ils vivent d’un travail régulier, exemple rare au Sénégal, ce qui leur vaut l’estime générale. À leur tour, satisfaits de leur travail et heureux de la liberté, ils font chez les peuples voisins et dans leur pays une active propagande en faveur de la France : aussi la petite colonie des Bambaras s’accroît-elle annuellement. Les Sarrakholès, un peu moins nombreux, viennent de moins loin, car leurs familles sont disséminées dans la région de Galam, autour de Bakel. Quoique habiles au travail du cuir, ils s’adonnent plus volontiers au commerce et acceptent de bon gré la domesticité, pour laquelle leur caractère doux les fait rechercher, soit dans les maisons, soit à bord des navires. On en compte environ deux cents à Saint-Louis, qui au besoin se montrent, comme les Bambaras, volontaires dévoués dans nos expéditions. Les uns et les autres sont à demi sédentaires. Il en est autrement des Toucouleurs et des Hayor, population flottante, en renouvellement perpétuel. Les Toucouleurs, au nombre de quatre cents, viennent de toutes les parties du Fouta. Plus rusés que les Ouolofs, plus nomades que les Bambaras et les Sarrakholès,