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La prospérité agricole du Sénégal ne demande pas tant d’efforts ni de sacrifices ; elle exige plutôt un respect sérieux des lois de la nature, ainsi que des règles de l’économie rurale, et elle réclame un sage examen de ce que l’on peut attendre des populations. En débutant par des cultures intensives sur une grande échelle, on accumule à plaisir les dépenses et les difficultés sur une œuvre déjà fort difficile par elle-même. La marche la plus simple et la moins coûteuse sera la meilleure et finalement la plus courte. Que par un abord facile et sûr des marchés les naturels du pays soient invités à cultiver avec soin les plants dont la vente est déjà certaine, le mil, le melon d’eau, le maïs, l’arachide ; que des encouragemens honorifiques et pécuniaires secouent l’indolence des uns, excitent l’activité des autres, bientôt les cotons, l’indigo, le tabac, seront adoptés avec zèle, si le gouvernement les recommande aux chefs de village, s’il use de son influence auprès des traitans et des négocians pour qu’ils en transmettent des échantillons dans la métropole, soin auquel il peut même s’associer directement en provoquant l’examen et les conseils de juges compétens. Quelques primes accordées soit à la culture, soit à l’exportation[1], couronneront cette propagande et en assureront le succès. Dans l’ardeur de l’impatience, on devra ne pas méconnaître qu’une grande et légitime place doit être laissée à la vie pastorale et à l’éducation des bestiaux, occupations des mieux appropriées aux mœurs indigènes et des plus conformes à l’intérêt public.

Quant aux habitans de Saint-Louis, ils se tourneront vers l’agriculture le jour où ils y trouveront honneur et profit. De proche en proche, les négocians se répandront dans la campagne, sans qu’il soit besoin d’autre amorce que la constitution régulière de la propriété, principe dont l’importance a rarement été bien comprise dans les colonies françaises, c’est le moment de le dire. Au Sénégal comme en Algérie, comme ailleurs, l’administration aime à procéder par concessions provisoires, méthode mauvaise condamnée par la raison et par l’expérience. La vente des terres à un prix quelconque, le plus faible possible, mais suivi d’une appropriation définitive, donne seule au colon la sécurité, la liberté d’action, le sentiment de la propriété, forces morales aussi indispensables à l’agriculture que les forces matérielles.

  1. Par un arrêté pris eu conseil d’administration dans la séance du 19 janvier 1856, une prime a été créée en faveur de l’exportation de l’indigo fabriqué au Sénégal. Cette prime sera de 50 pour 100 pendant les années 1858 et 1859, et de 25 pour 100 en 1860, 1861, 1862 et 1863. — Dans le mois suivant, deux concessions de 20 hectares ont été accordées pour la culture des plantes indigofères.