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et légitime du créateur littéraire. Le résultat de ce travail a été à peu près le même chez tous les peuples européens. La propriété littéraire est aujourd’hui reconnue partout aux auteurs vivans. Partout on a reconnu qu’il était utile à la société que l’écrivain pût trouver dans les fruits de son labeur la garantie de son indépendance ; mais maintenant ce n’est plus la question de la propriété littéraire proprement dite que l’on discute, c’est la question de l’héritage appliqué à cette nature de propriété. Qui ne voit qu’ici encore il ne saurait y avoir rien d’absolu. Dans des états qui ne sont rien moins que communistes, à quelles solutions différentes ne donne point lieu la question de l’héritage, c’est-à-dire de la transmission de la propriété après la mort du propriétaire ! Ici la propriété foncière est soumise aux substitutions et aux majorats, là elle se divise également entre les enfans. Dans un pays, il n’y a pas de limites aux droits des collatéraux ; dans un autre, on s’arrête à tel ou tel degré dans les branches collatérales. Tel peuple admet en certains cas la liberté illimitée de tester, tel autre la restreint absolument dans les mêmes cas. Partout d’ailleurs, sous forme de droit de mutation, l’état prélève à son profit une portion de l’héritage. L’on voit que, lors même que la propriété littéraire, dans son caractère propre et dans ses relations avec l’intérêt général de la société pourrait être assimilée aux autres formes déjà constituées de la propriété, aucun précédent ne prescrit aux législateurs d’appliquer à la propriété littéraire un mode défini d’hérédité. Jusqu’à présent, la plupart des législations européennes ont jugé convenable de prolonger de quelques années après la mort de l’auteur l’exploitation du monopole de ses œuvres, afin de procurer à l’écrivain ce qu’on pourrait appeler la sécurité de la mort. Convient-il de porter ce délai à cinquante années, comme le veut le congrès de Bruxelles ? C’est possible ; mais étendre à un terme plus éloigné le monopole de l’exploitation commerciale des œuvres littéraires, ce serait sacrifier l’intérêt social, qui veut que ces grandes œuvres se répandent, au moyen du bon marché, dans les mains du plus grand nombre, et constituer les propriétés intellectuelles en une sorte de main-morte dont le profit serait nul pour l’auteur, très douteux pour ses héritiers, et appartiendrait bientôt exclusivement à quelques dynasties d’industriels et de libraires. On peut voir, sans approfondir la question, que les objections qui s’élèvent contre la perpétuité de la propriété littéraire se recommandent au moins par leur gravité, et qu’on aurait mauvaise grâce à s’imaginer qu’on peut les réfuter avec quelques légers lieux-communs et des confusions d’idées et de mots jouant l’effet oratoire.

Un grand pays comme la France, presque toujours tourmenté au dedans ou au dehors de la tentation des vastes aventures, peut se féliciter encore lorsque son repos n’est troublé que par les affaires qui lui surviennent avec de petites puissances ou des peuples barbares. Les assassinats de Tétouan nous obligent à infliger une punition exemplaire aux Marocains. Une insulte commise contre un navire de commerce français par les autorités portugaises de Mozambique nous crée une difficulté diplomatique avec le Portugal. Les faits qui ont donné naissance à ces incidens sont diversement regrettables, mais ces incidens par eux-mêmes ne nous paraissent pas devoir entraîner des conséquences graves. Le crime de Tétouan, dont un agent consulaire