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entièrement inhabiles aux durs travaux des tropiques sous le soleil, devaient, sous peine de perdre Maurice, la Guyane et les Antilles, aviser au remplacement des bras dont ils étaient privés désormais en partie. Les Anglais songèrent d’abord à recruter des travailleurs sur la côte occidentale de l’Inde, et ils en importèrent un grand nombre à Maurice. Ces Indiens sont ce que l’on appelle proprement des coolies, nom qui par la suite a été appliqué à toute espèce de travailleurs recrutés parmi les Chinois ou parmi les nègres. Les Français de la Réunion eurent recours à ces mêmes Indiens et aux Malgaches. Cette ressource, suffisante pour les îles de la mer des Indes, ne pouvait convenir à tout le vaste système des colonies anglaises. Les Indiens refusaient de contracter des engagemens pour des contrées trop lointaines; ils sont peu laborieux, et en outre la compagnie des Indes anglaises, après avoir interdit aux Français d’y recruter des bras, opposa de très grandes difficultés aux colons anglais eux-mêmes, parce qu’elle craignait que l’émigration, qui s’emparait des sujets les plus robustes et les plus vaillans, ne prît trop d’extension. Il fallut essayer d’un autre moyen, et ce fut alors que les Anglais, imités par les Espagnols, tournèrent les yeux vers les Chinois. Quant aux Hollandais, il y avait longtemps déjà, comme nous le verrons, qu’ils se trouvaient en contact avec l’émigration chinoise dans les Indes néerlandaises.

Des agens s’adressèrent donc à la population dont regorgent le Fo-kien, le Kwang-si et les autres provinces méridionales et maritimes; ils répandirent leurs appels et prodiguèrent leurs promesses à Hong-kong et dans les cinq ports. D’abord peu d’individus y répondirent: les Chinois n’avaient pas encore pris l’habitude de regarder au-delà de leur pays; pour eux, le monde était toujours renfermé entre la grande muraille et leurs rivages; les lois qui interdisent l’émigration n’avaient guère cessé d’être respectées. Aujourd’hui ces lois subsistent, mais on les étude sans scrupule et sans difficulté. Cependant, quelques essais partiels ayant paru réussir, les colons crurent avoir mis la main sur le remède qui devait ramener la prospérité dans leurs cultures de cannes et de coton. Leurs agens devinrent plus pressans; les mandarins d’Amoy ou de Canton, bien payés, fermèrent les yeux sur le départ des misérables qui encombraient les rues des villes chinoises; enfin le branle fut donné. Quelques Chinois, rapatriés après l’expiration de leur engagement, émerveillaient la foule sans pain et sans gîte par le récit des richesses et de l’espace qu’offraient des terres fécondes vierges d’habitans. Dans une période d’une dizaine d’années, de 1840 à 1850 environ, les Chinois se laissèrent exporter, travaillèrent dans les colonies et y rendirent quelques services. Cuba sollicitait en 1847 de sa junte