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antique, ni le long fusil à mèche n’auraient pu défendre leur pays contre le calme persévérant et le courage soutenu des étrangers.

Dowlat-Rao étant trop jeune encore pour porter avec éclat le nom de Sindyah, celui de Touka-Dji-Holkar reparaissait au premier rang. Ce vieux guerrier, âgé de soixante-dix ans, avait vu les beaux temps de l’empire mahratte. Une grande considération s’attachait à sa personne, et le gouvernement de Pounah plaçait en lui toute sa confiance. Lorsque, au mois de janvier 1795, Nana-Farnéwiz convoqua tous les confédérés pour aller combattre Nizam-Ali, le vice-roi du Dekkan, Touka-Dji arriva avec huit mille chevaux, les deux mille fantassins de Du Dernaic et une foule de Pindarries, qui suivaient sur leurs petits chevaux, combattant et pillant sans relâche. Raghou-Dji-Bhounslay, râdja de Nagpour, toujours allié, quoique indépendant du gouvernement mahratte, amenait quinze mille soldats. L’armée de Dowlat-Rao-Sindyah égalait en force ces trois corps de troupes, quoiqu’il en eût laissé dans le nord de l’Inde une grande partie aux ordres du général de Boigne. Le résultat de cette campagne, dans laquelle Nizam-Ali, battu et réduit à s’enfermer dans une citadelle, demanda la paix, fut une augmentation de territoire pour Raghou-Dji-Bhounslay, qui se trouva à la tête d’un royaume, — celui de Nagpour, — peu fertile à la vérité, mais assez vaste et peu exposé aux attaques des pays voisins. A la fin de l’été, les chefs de cette grande armée mahratte, qui ne comptait pas moins de cent cinquante mille combattans, retournèrent dans leurs états respectifs, à l’exception de Touka-Dji-Holkar, dont les forces et l’intelligence commençaient à faiblir. Nana-Farnéwiz trouva Dowlat-Rao-Sindyah plus traitable que ne l’avait été son grand-oncle : il fit la paix avec lui et le congédia avec beaucoup d’honneurs. Ne pouvant plus compter sur le secours de Touka-Dji, devenu trop vieux, pour tenir en échec la puissante famille de Sindyah, il s’était attaché à mettre dans ses intérêts celui qui la représentait.

La position de Nana-Farnéwiz était celle d’un régent à demi usurpateur, contraint, pour conserver un pouvoir transitoire, d’exercer une pression violente sur ceux à qui il l’a enlevé. D’une part, il surveillait avec défiance tous les actes du jeune peshwa Madhou-Naraïn, qu’il tenait en tutelle; de l’autre, il gardait en prison, loin de la capitale, les héritiers de l’ancien peshwa Ragounâth, de funèbre mémoire. Par son habileté consommée, par ses talens et par l’étendue de ses connaissances, Nana-Farnéwiz se montrait capable de gouverner : quand on lit sa correspondance, publiée après sa mort, on est surpris de trouver chez un brahmane mahratte cette largeur de vue et cette entente des affaires, qui dénotent un homme instruit et fort élevé au-dessus de ses compatriotes du