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durée, si l’inexpérience et l’ambition du jeune Dowlat-Rao-Sindyah n’eussent jeté le pays dans de nouvelles complications qui devaient aboutir à la guerre civile. Cédant aux suggestions de l’un de ses conseillers, Balloba-Tantya[1], en qui il plaçait toute sa confiance, Dowlat-Sindyah renonça à retourner dans l’Hindostan, et il se mit à marcher sur Pounah, enseignes déployées, pour renverser le gouvernement auquel il avait prêté son appui. Hors d’état de résister à un pareil ennemi, trop timide d’ailleurs pour tenter un coup hardi, Nana-Farnéwiz prit la fuite. Il se croyait perdu. Tout en cherchant un refuge du côté de Satara, il songeait à rendre au légitime souverain la libre possession du trône de ses ancêtres; mais effrayé des conséquences d’un pareil acte, qui pouvait amener une révolution, il hésitait encore à tenter l’entreprise. Tandis qu’il se cachait dans les montagnes, incertain sur le parti qu’il devait prendre, le chef de ses propres troupes, Pureshram-Bhow, le trahissait à son tour, et s’entendait avec Dowlat-Sindyah pour nommer à la fois un autre peshwa et un autre ministre. Pureshram-Bhow lui-même prenait la place de Nana-Farnéwiz, et Tchimna-Dji-Appa, propre frère de Badji-Rao, était proclamé peshwa, malgré ses répugnances et son refus formellement exprimés.

Le nouveau peshwa ne se pressait pas de saisir le pouvoir qu’on lui offrait; son ministre Pureshram-Bhow, assez embarrassé du gouvernement et comme honteux de sa conduite, cherchait à rappeler Nana-Farnéwiz pour lui remettre la direction des affaires, ne se réservant à lui-même que le commandement des troupes. Nana-Farnéwiz, redoutant un piège, se tenait sur la défensive, sans rejeter l’offre qui lui était faite de le réconcilier avec le puissant Dowlat-Sindyah. D’autre part, il prêtait volontiers T oreille aux propositions que lui adressait Badji-Rao, en l’invitant à unir de nouveau ses intérêts aux siens. Le plus grand ou plutôt le seul obstacle à leur restauration, c’était la présence auprès de Sindyah de ce conseiller entreprenant et ambitieux, — Balloba-Tantya, — qui avait causé leur chute à tous les deux.

Une fois assuré du concours de Badji-Rao, Nana-Farnéwiz reprit courage et mit en œuvre toutes les ressources de son esprit si fécond en ruses pour attirer dans son parti Dowlat-Sindyah. L’héritier de Madha-Dji avait alors à son service un chef actif et entreprenant du nom de Soukaram-Ghatgay, issu d’une famille respectée, et que des démêlés avec un proche parent du râdja de Kolapour[2] venaient de contraindre à s’expatrier. Soukaram, nommé comman-

  1. Les Tantya forment une famille puissante, dont un descendant, Tantya-Topie, joue, à côté de Nana-Sahib, un rôle d’une certaine importance dans la guerre actuelle de l’Inde.
  2. Dans la province de Bedjapour, territoire mahratte.