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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1858.


Il faudrait, nous ne craignons point de le dire, avoir l’esprit mal fait pour attribuer à une pensée de taquinerie mesquine les vœux exprimés par nous en faveur de la liberté des discussions politiques. Les intérêts auxquels est liée en France la cause libérale sont si élevés et si grands, qu’ils ne peuvent exciter chez ceux qui les ont pris à cœur d’autre sentiment qu’une sincère et ardente sollicitude, et qu’il nous paraîtrait odieux et bas d’y chercher un prétexte à des jeux d’esprit malicieux et à des personnalités épigrammatiques. Cette cause se résume pour nous en un intérêt d’honneur national et de sécurité sociale. La liberté est une question d’honneur pour la France, car il n’y aurait pas d’humiliation plus navrante pour notre patrie que celle qu’elle subirait, si elle se laissait persuader qu’elle est radicalement incapable de participer à son gouvernement par l’exercice régulier et complet des libertés politiques. La liberté est également pour nous une question de sécurité sociale : la sécurité d’un peuple dépend en effet de son aptitude à se gouverner lui-même. On a eu beau pousser à outrance l’adulation superstitieuse des grands hommes et l’idolâtrie des héros : les grands hommes et les héros sont en définitive gouvernés eux-mêmes par les nations qu’ils semblent conduire. Il faut toujours en venir là : il y a des heures dans l’histoire des peuples les mieux assujettis et les plus dociles où la force gouvernementale tombe en défaillance aux mains d’un simple mortel, et où l’on ne peut la reconstituer que par l’intelligence et l’énergie communes de la nation tout entière. Quand on n’aurait en vue que les éventualités inévitables dans le cours des choses humaines, n’est-il pas manifeste que la meilleure préparation à ces situations critiques, c’est pour un peuple la pratique de la liberté ? Sans parler même des circonstances extraordinaires, nous vivons à une époque où l’intervention de la raison publique dans la conduite des gouvernemens a le caractère d’une nécessité pratique. Ce temps-là est loin de