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REVUE DES DEUX MONDES.

dans la voix touchante de Mme Penco. Ah ! elles sont si douces, les larmes que l’art fait couler en reproduisant les accens de la noble nature humaine ! Dans la seconde période de cette scène finale, qui est un chef-d’œuvre de simplicité pathétique, lorsque commence ce dessin d’accompagnement en mi mineur qui rappelle ou plutôt qui reproduit une phrase de Paisiello dans l’accompagnement du duo de l’Olympiade :

Ne’giorni tuoi felici
Riccordati di me,


Mme Penco s’élève à la hauteur de la belle inspiration de Bellini. Sa douleur suit le développement de la pensée du maître dans ce crescendo chromatique qui n’imite pas la formule de Rossini, et qui monte par ondées qui s’accumulent les unes sur les autres comme les vagues de la mer. Voilà un art que M. Verdi n’a jamais connu, quoiqu’il ait pris à Bellini et à Donizetti le germe de toutes ses idées. Le trio si dramatique qui termine le premier acte de la Norma,

Oh ! di qual sei tu vittima
Crudo e funeste inganno !


est un morceau capital où se trouve la source des meilleures inspirations de M. Verdi.

Mme Penco, qui a une figure intéressante, le geste noble et un talent qui ne peut que grandir, si elle ne prodigue pas inconsidérément les trésors de sa profonde sensibilité, est fort bien secondée par Mme Cambardi, qui a fait de notables progrès, et qui chante toute la partie d’Adalgisa avec un fini d’exécution qui a frappé le public. Mme Cambardi a de l’ambition, et elle la justifie par les efforts qu’elle fait pour obtenir les suffrages des juges difficiles. Il serait injuste de ne pas reconnaître que M. Ludovico Graziani montre beaucoup d’intelligence et de goût dans le rôle ingrat de Pollione. Nous ne craignons pas de dire en finissant que les représentations de la Norma sont un événement heureux pour le Théâtre-Italien de cette année.


P. SCUDO.



CRITIQUE HISTORIQUE.
Histoire des Révolutions d’Italie, ou Guelfes et Gibelins, par M. J. Ferrari, 4 vol. in-8o ; Paris, Didier, 1858.


C’est peu de raconter les faits, si l’on ne parvient à dissiper les obscurités, à résoudre les contradictions dont l’histoire fourmille. Plus qu’aucun autre, le XIXe siècle a senti l’impérieux besoin de porter la lumière dans ce formidable chaos des annales des peuples. Après les chroniqueurs, qui racontaient sans juger, sont venus les historiens, qui racontent et qui jugent, et nous avons maintenant les philosophes, qui jugent sans raconter. Si grands que soient les dangers de cette dernière méthode, je souhaiterais fort que M. Ferrari s’y fût tenu : la nature ne l’a pas fait narrateur, et je ne crois pas qu’il ait fait lui-même beaucoup d’efforts pour le devenir. Il y a d’ailleurs