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Pourquoi donner aux Moldo-Valaques une constitution si libérale et les traiter presque mieux que nous-mêmes ? Cette objection pouvait être faite à l’étranger et embarrasser quelque peu nos agens diplomatiques. La circulaire de M. le comte Walewski répond en finissant à cette objection, et nous ne saurions mieux faire que de citer cette réponse, qui est pleine de sens et de portée : « Le gouvernement de l’empereur, en s’efforçant de donner ainsi à la nation moldo-valaque un régime plus libéral que ne le comporterait l’état de sa civilisation et de ses mœurs, n’a cédé à l’entraînement d’aucune théorie abstraite ; mais, sachant que le pays à l’organisation duquel il s’agissait de pourvoir était depuis des siècles livré à des abus et à des désordres administratifs aussi nombreux qu’invétérés, il a dû chercher un remède, et en l’absence d’hommes investis de l’autorité morale nécessaire pour suffire à cette tâche, il ne lui a pas paru possible de le trouver ailleurs que dans un contrôle sévère et efficace, dont l’exercice serait remis aux mains d’une assemblée élective. »

Il y a dans cette phrase des vérités particulières et des vérités générales à l’adresse de tout le monde.

J’en tire d’abord cette conclusion particulière à la Moldavie et à la Valachie : puisque, selon la pensée du gouvernement français, le seul moyen de guérir les abus et les désordres invétérés de l’administration dans les principautés est le contrôle sévère et efficace des assemblées électives, c’est à ces assemblées que doit appartenir une certaine prépondérance ; c’est à elles de prendre l’ascendant. Souvenons-nous de cette pensée : nous sommes persuadés en effet qu’aussitôt que ces assemblées électives voudront agir et exercer ce contrôle sévère et efficace que leur attribue le gouvernement français, il s’élèvera des cris de toutes parts. On criera à l’esprit révolutionnaire ; ou dira que les révolutions de 1848 vont revenir en Europe par la Roumanie : nous prévoyons le tapage qui se fera, et comme le gouvernement français l’a prévu aussi, il ne prendra pas pour des tentatives de l’esprit révolutionnaire la réforme des abus. Il soutiendra les assemblées électives, et de ce côté nous regrettons presque que les assemblées électives n’aient pas le droit, comme elles l’avaient dans l’ancien règlement organique, de recourir, dans les cas extrêmes, à la cour suzeraine d’abord et aux cours garantes ensuite. — Anarchie, dira-t-on, que ce recours ! Hélas ! tout ce qui sert à la liberté peut aussi servir à l’anarchie : cela dépend des temps et des mœurs. Quoi qu’il en soit, la surveillance des cours garantes suppléera au recours des assemblées, et les cours garantes, les cours impartiales surtout, ne laisseront pas étouffer le pouvoir des assemblées électives, puisque c’est du con-