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soit d’un officier du bureau arabe, soit du kaïd, qui remplit les fonctions de juge pendant ces journées fertiles en contestations, en querelles d’intérêts, en escroqueries, petits procès inséparables de tout commerce, et qui sont réglés séance tenante.

Un marché arabe ressemble à nos foires de villages ; mêmes usages ou à peu près, même personnel de campagnards, de marchands ambulans, de colporteurs, de maquignons. Changez les races, substituez les chaouchs armés de cannes et les cavaliers du beylik aux gardes champêtres et aux gendarmes, la tente mobile du kaïd à la maison communale du maire, imaginez des denrées africaines au lieu de denrées françaises, des troupeaux de chameaux mêlant leur physionomie et leurs grognemens, qui n’ont pas d’analogue, à l’aspect, au mouvement connus d’un parc de bétail composé de chèvres, de moutons, d’ânes, de mulets, de chevaux, de vaches et de bœufs maigres, et vous aurez une première idée du marché du sebt. Reste à supposer maintenant la grandeur du lieu, l’étendue de la plaine environnante, la beauté propre aux horizons de la Mitidja, la gravité d’une lande algérienne, l’éclat de la lumière, l’àpreté du soleil insoutenable même en octobre, enfin une réunion de tentes, avec la forme conique des pavillons de guerre ou de voyage, emblème intéressant quand il est l’expression des mœurs d’une société primitive, usage absurde en Europe, où la tente est la maison toujours suspecte des gens sans profession légitime, où l’homme errant est présumé n’avoir ni feu ni lieu, où le nomade est plus ou moins un vagabond. Qu’on suppose encore, pour approcher du vrai, le murmure particulier des foules arabes, la nouveauté des costumes, tous à peu près pareils et presque tous blancs, enfin certaines industries locales et bizarres, surtout à cause de leur extrême simplicité.

Les bouchers y viennent avec leurs étaux garnis de viandes saignantes, les maréchaux-ferrans, les cordonniers, les cafetiers, les rôtisseurs avec leurs ustensiles et leur matériel on ne peut plus réduit, les gens du sud avec leurs laines et leurs dattes, ceux de la plaine avec leurs grains, les montagnards avec leur huile, leur bois et leur charbon. Les jardiniers de Blidah apportent les fruits et tous les légumes cultivables, depuis les oranges et les cédrats jusqu’aux pois chiches rôtis, qui sont le grain rôti de l’Écriture sainte, jusqu’aux lentilles, dont on fait un potage rouge en souvenir du plat d’Ésaü, Les colporteurs juifs ou arabes vendent la mercerie, la droguerie, les épices, les essences, les bijoux grossiers, les cotonnades de tout pays et les tissus de toute fabrique, etc. Chacun a son étalage en plein vent ou couvert, et dans les deux cas les dispositions sont fort simples. Une ou deux caisses ou bien des paniers pour contenir les marchandises, une natte pour les exposer, un carré