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M. Saint-Marc Girardin a publié dans la dernière livraison de ce recueil une étude sur les principautés roumaines. Il ne nous appartient pas de célébrer nous-mêmes le succès qu’ont obtenu ces pages brillantes, où l’esprit s’unit avec tant d’agrément aux sentimens les plus généreux et aux observations politiques les plus sensées; mais il ne nous est pas permis d’ignorer les vives protestations que cet article a soulevées. Ces protestations se sont produites avec étendue dans plusieurs organes de la presse parisienne, et nous croyons pouvoir les examiner, et, jusqu’à un certain point, y faire droit, ne fût-ce que pour donner à des journaux qui nous ont accoutumés à d’autres traitemens une leçon épisodique d’impartialité.

Si nous avons bien compris les objections adressées à notre éloquent et spirituel collaborateur, on ne songerait pas à contester l’appréciation si nette qu’il a faite de l’œuvre de la conférence concernant les principautés. On abandonne à la discussion et aux chances de l’avenir la solution de la conférence, cette séparation des provinces maintenue malgré la création d’une commission centrale, nous dirions presque ce mystère diplomatique de l’unité en deux personnes dont M. Saint-Marc Girardin n’a certes point méconnu les avantages relatifs et transitoires, mais dont il a signalé les difficultés pratiques. Ce qu’on reproche à M. Saint-Marc Girardin, c’est d’avoir assimilé la question de l’union des principautés, réglée par la convention de 1858, à la question égyptienne de 1840, et d’avoir conclu de cette comparaison que la politique française avait été plus malheureuse cette année dans l’affaire des principautés qu’elle ne l’avait été en 1840 dans l’affaire d’Egypte.

Avant de rechercher jusqu’à quel point ces objections sont fondées, nous ferons remarquer que ce n’est ni la Revue ni ses collaborateurs qui ont introduit dans la presse ces rapprochemens injustes entre les politiques extérieures de deux époques différentes dont on paraît s’émouvoir aujourd’hui. Ces comparaisons si blessantes sont familières aux journaux qui critiquent l’étude de M. Saint-Marc Girardin : elles pullulent dans les brochures anonymes publiées depuis une année sur la politique étrangère de la France, et faut-il s’étonner de voir relever une seule fois le gant que l’on jette si souvent aux hommes qui ont servi la monarchie de 1830? Un des plus tristes travers, une des tactiques les plus funestes des ennemis de la monarchie de 1830 a été de porter l’opposition contre cette monarchie libérale sur le terrain de la politique étrangère. Il y a dans une telle tactique quelque chose d’antinational qui nous a toujours révoltés. On sait pourtant le triste succès qu’elle a obtenu : elle a réussi à transformer auprès d’esprits aveuglés les actes de témérité les plus exorbitans dans les relations internationales, — un fait par exemple aussi brutalement contraire au droit des gens que l’expulsion de Taïti du consul anglais Pritchard, accompagnée d’une indemnité dérisoire, — en actes d’humiliante faiblesse. Nous respectons trop la monarchie de 1830 pour essayer de défendre et de caractériser en courant sa politique étrangère. Nous dirons seulement que l’élévation patriotique et la dignité de cette politique ont eu pour témoins, après la révolution de 1848, ceux qui avaient été ses plus violens adversaires, et ont été reconnues avec une loyauté qui les honore par les républicains entre les mains desquels