Un fait digne d’attention s’est produit, il y a peu d’années, dans la poésie russe. On a vu l’alliance de l’esprit lyrique et de l’esprit satirique s’accomplir dans des conditions que les tentatives poétiques du début de ce siècle ne faisaient guère prévoir. Combiner l’observation à la fois minutieuse et hardie de la réalité avec les élans de l’ode, substituer dans ce double domaine la tendance descriptive et historique à la tendance mystique et individuelle, tel est le but qu’a poursuivi l’auteur d’un recueil dont le public russe s’est vivement préoccupé. A travers quelle série d’évolutions la poésie russe est-elle arrivée à cette situation nouvelle? C’est, parmi les questions que soulève l’œuvre si unanimement applaudie, la première que nous voudrions examiner, car les tendances générales du peuple russe peuvent être entrevues dans le mouvement d’idées auquel obéissent ses poètes.
Pendant longtemps, un tel rapprochement entre la satire et le lyrisme n’avait guère paru possible. Le premier sentiment dont s’inspirèrent les lyriques russes fut celui de la soumission et du dévouement au souverain. Cette forme de poésie naissait au mo-