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inquiètent. J’invite le dieu à descendre ; il vient, il écrit lui-même la réponse aux questions que les fidèles lui adressent du fond de leur âme, et ceux-ci se retirent consolés et éclairés.

Quand il entendit ces paroles, Pao-ly fut transporté de joie. — Enfin, pensa-t-il, les moyens d’arriver à la perfection que je cherche vont m’être révélés aujourd’hui. — Rentrant en lui-même, il se rendit cette justice, qu’aucune pensée fâcheuse ne troublait son cœur. Exempt de chagrin, à l’abri de toute inquiétude, ferme dans sa foi, ne s’était-il pas élevé au-dessus de ce monde corrompu assez haut déjà pour acquérir, en partie du moins, la grande quiétude que les bouddhistes considèrent comme le dernier mot de la sagesse humaine. Cependant il lui restait à apprendre une chose essentielle, la manière de s’identifier par la méditation avec le Grand-Être, en qui se résument les mondes visibles et invisibles. Sans communiquer sa pensée au bonze, il forma secrètement le vœu d’apprendre à bien prier.

Pendant qu’il s’arrêtait à ce pieux désir, les parfums brûlaient dans le sanctuaire, et le bonze répétait des paroles magiques. Prosterné le front contre terre, Pao-ly priait avec ferveur : « Dans mon aveuglement stupide, je passe mes jours au milieu des folles joies du siècle et des douceurs d’une vie facile. J’élève mon esprit vers Bouddha sans savoir si mes prières sont bonnes, sans connaître si j’acquiers des mérites qui diminuent pour moi le nombre des existences à venir ; je supplie donc instamment le Grand-Immortel de m’éclairer et de m’enseigner à le prier convenablement. » Relevant alors la tête, Pao-ly s’informa auprès du bonze s’il pourrait obtenir une réponse à la demande qu’il venait de formuler en son esprit.

Le bonze se contenta de lui montrer du doigt le pinceau de bois qui se mit à se mouvoir lentement de droite à gauche. Sans qu’une main humaine le dirigeât, l’instrument traçait sur le sable des caractères parfaitement visibles dont voici le sens :


« Priez Bouddha avec une entière dévotion ; c’est la pierre philosophale.

« Priez le Grand-Immortel en l’invoquant par tous ses noms, c’est comme si vous épuisiez à chaque fois un tour de roue[1].

« Priez les reliques avec ferveur, et vous serez victorieux de la vie et de la mort.

« Priez toujours, vous resterez étroitement uni aux saints et aux sages.

« Priez par la pensée, vous ne serez point emporté par le torrent de la corruption.

« Priez par le cœur, et vous demeurerez pareil à une blanche nuée.

« Priez, et vous découvrirez les mystères les plus subtils, vous pénétrerez ce qu’il y a de plus caché dans les secrets de la vie.

  1. C’est-à-dire comme si vous effaciez à chaque fois du livre de la vie et de la mort une des existences futures auxquelles vos fautes vous ont condamné.