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et sa santé. » Cette justice rendue le met, il est vrai, à l’aise pour parler de lui-même : malgré l’obstination de ses efforts pour entraver les projets adoptés, il se donne pour la cheville ouvrière de l’entreprise, et déclare, sans le moindre souvenir d’Idoménée, de ses conseillers directs et de ses finances, que, de 1778 à 1789, Dumouriez a fait de Cherbourg une nouvelle Salente. Ces faiblesses d’un homme chez qui le caractère n’était pas au niveau du talent n’empêchent pas ce qu’il a dit de la guerre dans le Cotentin d’être au plus haut degré digne des méditations des militaires, et l’éclat des victoires de Jemmapes et de Valmy ne peut pas faire oublier ici que les moyens de défense locale qu’il avait organisés de son chef ont suffi, pendant la conflagration générale de l’Europe, pour prévenir les entreprises ennemies contre Cherbourg.

Les événemens se précipitaient : l’assemblée législative donna cependant à l’établissement de Cherbourg une marque d’attention que devait suivre un oubli forcé de dix années. Un décret du 1er août 1792 chargea une commission, dans laquelle figurait M. Cachin, l’ingénieur qui s’est illustré plus tard dans ces mêmes travaux, de rendre un compte détaillé de l’état de l’entreprise et des moyens de la terminer. Les faits exposés et les conclusions prises dans le rapport, souvent invoqué, de cette commission sont noyés dans les ouvrages accumulés depuis 1803.

Après le rétablissement de l’ordre, le premier consul résolut la reprise des travaux de Cherbourg. Son point de départ fut le rapport de la commission de 1792; mais il ne pensa pas avec elle que les forts de l’Ile-Pelée, du Houmet et de Querqueville suffissent à la défense de l’atterrage. Il chargea l’amiral de Rofily, le général Marescot, du génie, et M. Cachin, des ponts et chaussées, d’étudier un système plus complet, et le 15 octobre 1802 il ordonna, sur leur proposition, d’exhausser le centre de la digue de 3 mètres au-dessus du niveau des plus hautes marées, d’y former un plateau capable de recevoir un fort armé de vingt pièces de gros calibre, et de disposer les musoirs pour porter des batteries. M. Cachin fut chargé de la direction des travaux. Outils, moyens de transport, ouvriers, tout manquait; mais tout fut prêt au début de la campagne de 1803, tant l’hiver fut bien employé.

Le temps des descentes sur les côtes du Cotentin était passé, et les Anglais se contentèrent de protester de temps à autre par leurs boulets contre la reprise de travaux qui leur déplaisaient; encore les quelques pierres qu’ils nous cassèrent ainsi leur coûtèrent-elles plus qu’elles ne valaient, ne fût-ce que le 15 avril 1803, alors que leur frégate la Minerve, se livrant à cet exercice, toucha sur le talus de la digue, et fut prise comme une baleine échouée. Les personnes