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que le respect de l’art et l’importance qu’un grand établissement lyrique doit attacher aux moindres détails de l’exécution. Cependant l’administration actuelle de l’Opéra fait de louables efforts pour remonter cette vieille machine. Elle vient d’envoyer en Italie un musicien de talent, M. Dietsch, pour y chercher, ce que ne donne pas le Conservatoire, des voix et des instincts d’artiste. On assure que M. Dietsch a fait une précieuse trouvaille dans deux sœurs si bien douées par la grâce de la nature qu’elles ramèneraient les beaux jours des Malibran et des Falcon. Ainsi soit-il. En attendant, on a fait débuter, un peu clandestinement, une nouvelle cantatrice, Mme Barbot, qui s’est essayée dans le rôle de Valentine des Huguenots. Ancienne élève couronnée du Conservatoire, Mme Barbot a parcouru la province et s’est longtemps arrêtée à Bruxelles, où elle était appréciée. Sa voix est charmante dans le registre supérieur, et sa physionomie intelligente. Mme Barbot a eu d’heureuses intentions aux troisième et quatrième actes, où le public lui a fait un accueil favorable. Nous attendrons que Mme Barbot se soit produite et raffermie dans les différens rôles de son répertoire pour la mieux juger. Quoi qu’il arrive, Mme Barbot n’aura pas de peine à ne point faire regretter Mlle Poinsot, qui a eu l’adresse de chanter faux pendant dix ans à l’Opéra, avec les encouragemens de cette belle critique qui nous traite d’esprit exclusif.

On sait qu’il existe à Paris plusieurs sociétés d’artistes et d’écrivains fondées dans une intention de sage prévoyance pour les intérêts et les besoins des membres qui les composent. La plus ancienne et la plus considérable de toutes ces associations est celle des auteurs et compositeurs dramatiques, dont la naissance remonte à l’année 1837. Tout individu qui a pris une part quelconque à l’édification d’une pièce de théâtre peut faire partie de cette société, qui perçoit les droits d’auteur, administre et place les fonds qui en résultent. Reconnue par l’état, par les tribunaux et par les théâtres, avec lesquels elle traite de puissance à puissance, la société des auteurs et compositeurs dramatiques jouit de tous les droits d’une personne civile. Sa juridiction s’étend sur toute la France. Une commission, qui est nommée tous les ans, je crois, par l’assemblée générale, la représente, veille au respect de ses droits, et décide des secours à donner aux membres nécessiteux, sauf à faire ratifier ses déterminations par l’assemblée générale. Selon l’esprit plus ou moins éclairé des membres de la commission, les libéralités de la société des auteurs et compositeurs dramatiques peuvent s’étendre au-delà du cercle des associés, et quelquefois franchir même les limites de la nationalité. Ainsi des secours ont été accordés par la commission à des parens d’auteurs et de compositeurs français qui n’avaient jamais fait partie de la société, et tout récemment une arrière-petite-fille de Racine, qui était menacée de passer sa vie dans un atelier de couture, a été placée dans un couvent de Blois, où elle sera élevée aux frais de la société. On voit qu’en cette matière, comme en beaucoup d’autres choses, il y a l’esprit qui vivifie l’idée d’une institution, et la lettre qui tue tout ce qui est généreux.

Inspirée par des principes de noble confraternité qui sont la vie des lettres et des arts, la commission des auteurs et compositeurs dramatiques a eu la généreuse pensée de transmettre la somme provenant des représentations d’Oberon, d’Euryanthe, de Preciosa et des Noces de Figaro, aux héritiers