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phénomènes physiques ; aussi voit-on qu’elles sont le dernier fruit de l’analyse de l’esprit, et que leurs progrès sont liés d’une manière intime à ceux des sciences consacrées à l’étude de la matière. Ces considérations rapides feront suffisamment comprendre que l’histoire des sciences présente un très beau sujet de méditations au philosophe qui veut étudier la logique de l’esprit, non dans un homme en particulier, mais dans l’humanité elle-même. Ceux que ne touchent point ces spéculations abstraites peuvent trouver dans cette histoire bien d’autres motifs d’intérêt. De quelle façon les hommes voués aux sciences ont-ils été mêlés au mouvement de leur temps ? quels obstacles ont-ils eu à vaincre pour faire connaître et triompher leurs doctrines ? de quelle manière leurs idées ont-elles été reçues par les autorités spirituelles de leur pays, et de leur époque ? comment la science est-elle sortie de l’obscurité, du domaine dédaigné des spéculations pour participer au gouvernement des sociétés ? Voilà des sujets dont il est facile à chacun d’apprécier l’importance.


I

Les matériaux de l’histoire scientifique sont malheureusement peu nombreux. En France, nous devons les plus importans à l’habitude, déjà fort ancienne, des éloges académiques. Cette littérature des éloges mériterait, à elle seule, une étude particulière : M. Biot a, au reste, touché incidemment à ce sujet et donné son jugement sur l’œuvre des secrétaires perpétuels de l’Académie des Sciences[1]. Il nous montre « le fin et discret Fontenelle » introduisant, guidant le monde élégant de son temps dans le domaine de la science, alors tout nouveau ; Condorcet adressant, la veille de la révolution, à un public déjà moins frivole un langage plus sévère et plus élevé. À une époque plus rapprochée de nous, Cuvier trouve dans les éloges scientifiques l’occasion d’écrire « l’histoire même de la science, dans laquelle l’individu ne tient de place que par ses découvertes et par les circonstances qui ont réagi sur ses travaux. » M. Biot donne à ces notices un éloge mérité ; son jugement sur Delambre, qui fut le collègue de Cuvier pour les sciences mathématiques, se termine par ces mots dédaigneux : « Si ses notices sur l’histoire des sciences et des savans arrivent sous les yeux de la postérité, elle les verra avec la même indifférence qu’il a mise lui-même aies écrire. » M. Fourier est peut-être traité avec une sévérité plus grande encore. M. Biot lui reproche de n’avoir pas approfondi les travaux qu’il avait mission

  1. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences, — Mélanges, tome II, page 267.