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paraître ses fameux Dialogues, où trois personnages discutent et comparent la doctrine de Ptolémée et le système de Copernic. Les argumens de l’adversaire de Ptolémée sont, comme on peut l’imaginer, sans réplique ; mais Galilée laisse pourtant la satisfaction d’un triomphe nominal à ses deux interlocuteurs, dont l’un, nommé Simplicius, oppose à toutes les raisons l’autorité suprême d’Aristote. Galilée réussit à obtenir à Rome même, du maître du sacré palais, la permission d’imprimer son ouvrage. Ses démarches excitaient pourtant quelques soupçons : on lui redemanda le livre pour l’examiner de nouveau ; mais, sans attendre plus longtemps, Galilée se hâta de mettre à profit l’autorisation qu’il avait reçue, et fit paraître les Dialogues à Florence. Pour conjurer les colères de Rome, il annonça qu’il n’avait écrit ces Dialogues que pour montrer aux étrangers qu’on n’avait pas condamné le système de Copernic sans discernement, et les représenta comme une sorte de résumé des débats à la suite desquels la congrégation de l’Index avait prononcé son jugement. L’église ne fut pas dupe de cette ironique déclaration, et l’auteur des Dialogues fut mandé à Rome par le saint-office.

Les documens que M. Biot a utilisés pour raconter le procès de Galilée sont des plus curieux. Évoquant des souvenirs personnels, il raconte que, faisant une visite au pape Léon XII, il rencontra dans les antichambres du Vatican le père Benedetto Morizio Olivieri, commissaire-général du saint-office, et apprit de lui que les pièces originales du procès de Galilée avaient été envoyées au roi Louis XVIII, qui désirait en prendre communication. Ces pièces furent égarées dans le désordre des cent-jours, et depuis 1814 le saint-siège ne cessa de les réclamer. Elles furent enfin retrouvées, et sous le règne de Louis-Philippe M. Rossi rapporta ces documens à Rome, où l’on promettait formellement de les publier. On choisit comme éditeur Mgr Marino-Marini, dont M. Biot a pu consulter le livre intitulé Galileo e l’Inquisizione. Il est fâcheux que tous les textes originaux n’aient pas été publiés intégralement, et que Mgr Marino-Marini ne reproduise jamais textuellement les passages les plus significatifs. « En cela, dit avec raison M. Biot, il a eu un grand tort, car non-seulement il manque à la condition d’entière publicité qui avait été acceptée, mais encore il porte préjudice à la vérité, que Rome avait tant d’intérêt à mettre au jour. En effet, tout son livre est empreint d’un tel sentiment de malveillance, si continu et si aigre contre le malheureux Galilée, qu’il semblerait en vérité s’être proposé non pas d’exposer avec sincérité les circonstances de son procès, mais plutôt de le refaire pire qu’il n’avait été alors. »

L’ouvrage suspect de Mgr Marino-Marini trouvait heureusement un précieux contrôle dans les dépêches officielles de l’ambassadeur de Toscane, chez lequel résida Galilée pendant tout le temps de son