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sciences naturelles ont donc ici un vaste champ à ouvrir aux industries maritimes, et leurs succès ne peuvent être assurés que dans les ports. On invoque de tous côtés la décentralisation. Commençons, si nous voulons arriver à la décentralisation administrative, par la décentralisation intellectuelle ; élevons dans les villes de province où les appelle la nature des choses des foyers lumineux qui s’alimentent eux-mêmes ; donnons à leurs habitans de nouvelles raisons de se trouver bien chez eux. Que ces germes se développent, et l’équilibre qu’ils établiront entre les diverses parties du territoire affaiblira les prééminences abusives qui ont fait descendre tant de désordres sur notre pays.

III.


L’abondance qui naît de la prospérité de la culture n’importe pas moins que l’activité de la pêche au développement de la navigation, et le territoire sur lequel s’étend le rayon d’approvisionnement du port de Cherbourg est, sous ce rapport, dans des conditions spéciales : il doit pourvoir aux besoins d’un grand établissement militaire, garnir de vivres les flancs de navires de guerre et de commerce destinés à des traversées lointaines et alimenter une exportation pour l’Angleterre qui va croissant de jour en jour. L’intérêt agricole et l’intérêt maritime se confondent ici, et négliger le premier serait oublier le second. Il y a plus ; c’est aux populations voisines, partagées entre les travaux des champs et ceux de la mer, qu’il appartient de fournir à Cherbourg des matelots et des défenseurs. Le mouvement de ces populations ne saurait donc être observé avec indifférence.

Le pays de La Hague, aujourd’hui le canton de Beaumont, dont l’ancienne place d’armes normande que nous visitions tout à l’heure forme le tiers, touche aux portes de Cherbourg. Du recensement de 1826 à celui de 1856, la population en est descendue de 12,399 habitans à 9,688. Dans ces trente années, la France entière passait de 31,845,428 âmes à 36,039,364. Ainsi le canton, s’il avait pris sa part du progrès général, compterait aujourd’hui 14,000 âmes, et si la France avait rétrogradé comme le canton, elle n’en aurait plus que 24,870,000. Cette décadence vient de loin, et La Hague n’est pas le seul point du département de la Manche où elle se manifeste. Les causes de ce phénomène méritent surtout d’être étudiées sur un territoire interposé entre Cherbourg et Aurigny, et où notre établissement maritime de la Manche a besoin de s’assurer de solides points d’appui.