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l’économie privée. « La France, disait Sully, veut être gouvernée comme une métairie, » et jamais parole plus vraie n’est sortie de la bouche d’un homme d’état ; mais le bien se propage dans la culture par des voies fort diverses, et la sagesse prescrit de les laisser largement ouvertes à tous. S’il est vrai que la nourriture du bétail à la crèche soit le moyen le plus économique d’accroître le produit du sol dans le Cotentin, il est constant aussi que les déceptions de bourse dans lesquelles les campagnes ont eu leur part tendent à faire refluer certains capitaux vers des emplois jusqu’ici moins favorisés, et c’est à ces capitaux qu’il faut ménager les moyens d’élargir le champ de la culture. Un ministre prescrivait naguère la mise en vente de tous les biens des hospices. Sans rechercher si les pauvres auraient gagné beaucoup à l’exécution d’une telle mesure, il est permis de remarquer que la mise en vente de ces biens n’aurait pas ajouté grand’chose à la richesse de la société : les propriétés des hospices consistent principalement en bois et en terres affermées ; en changeant de possesseurs, elles n’auraient pas changé d’état et ne seraient guère devenues plus productives. Si la sollicitude ministérielle s’était appliquée aux biens communaux, elle aurait été mieux récompensée[1]. Les forêts exceptées, ces biens susceptibles ou non de culture sont voués par le parcours du bétail et l’incurie des gérans à la même stérilité, et la question si souvent débattue du maintien dans l’état de mainmorte ou de l’envoi dans le commerce de ces propriétés se réduit à savoir lequel vaut mieux pour une nation des terres cultivées ou de celles qui ne le sont pas.

Le département de la Manche a sa part dans le débat ; mais il suffira de remarquer ici que les biens communaux y comprennent une

  1. La loi du 20 février 1849, qui soumet les biens de mainmorte à une taxe représentative des droits de mutation, a donné lieu à la formation de tableaux exacts de ces biens. Voici les étendues de ceux que possèdent sur la totalité du territoire
    Les communes Les hôpitaux et hospices
    Terres en culture
    319,749 hect.
    162,547 hect.
    Terres en bois
    1,771,349          
    31,068          
    Terres incultes
    2,750,235          
    14,029          
    4,841,333 hect.
    207,644 hect.


    Ainsi, sur 1,000 hectares, 568 sont incultes dans la propriété des communes, et 66 seulement dans celle des hospices : ce dernier rapport est à peu près celui qui se produit dans la propriété privée. Ajoutons que le principal de la contribution foncière, assise sur les 162,547 hectares de biens cultivés des hospices, est de 667,121 fr., tandis que celui des 319,749 hectares de biens cultivés des communes n’est que de 526,158 fr. Les biens des communes paient 1 fr. 65 c. par hectare ; ceux des hospices 4 fr. 10 c, et cette différence répond probablement à celle des valeurs des cultures. L’étendue des biens incultes des communes est de 56,794 hectares supérieure à celle des quatre départemens de la presqu’île de Bretagne.