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II

Gênée pour négocier, la France ne l’était pas moins pour combattre : elle se trouvait en effet dans cette situation quasi-ridicule, de ne pouvoir attacher d’importance à aucune de ses conquêtes, et d’occuper de vastes territoires qu’on la savait disposée à restituer à la paix sans en rien retenir. Dans les Pays-Bas, Louis XV avait marché de succès en succès ; il y avait pris plus de places fortes que ne l’avait jamais fait son bisaïeul. Anvers, Liège, Namur et Berg-op-Zoom avaient eu le sort de Bruxelles. Des provinces belgiques, le maréchal de Saxe s’était jeté sur le Brabant hollandais, et par une marche admirable, qu’avait préparée la journée de Lawfeld, quatre-vingt mille Français au début de la campagne de 1748 avaient soudainement investi Maëstricht, dont la nombreuse garnison ne conservait plus d’espérance. L’Autriche, qui avait à peine défendu ses possessions des Pays-Bas, se montrait d’ailleurs pleinement rassurée sur leur sort. Les lui faire rendre intégralement, même sans qu’elle s’en mêlât, était en effet le premier intérêt des deux puissances maritimes. Or l’Angleterre venait d’anéantir le parti jacobite, qui avait mis la maison de Hanovre à deux doigts de sa perte, sans que la France tentât même un effort pour le soutenir, et la Hollande avait, plus récemment encore, sous le coup de l’émotion publique, confié la dictature au gendre du roi d’Angleterre, l’ennemi le plus acharné du nom français. C’est donc avec la plénitude de leurs forces et toutes les ressources d’un pouvoir retrempé dans une crise que les deux cabinets de Londres et de La Haye s’unirent pour arracher à la France jusqu’à la dernière bicoque des Pays-Bas. La paix conclue avec la Prusse avait rendu d’ailleurs à la cour de Vienne l’entière disposition de ses armées, et, comme le dit quelque part Voltaire, c’était la destinée du roi Frédéric II de nuire toujours beaucoup à l’Autriche en faisant la guerre, et plus encore à la France en faisant la paix. Le traité de Dresde fut en effet l’origine de nos malheurs.

L’Autriche, complètement libre en Allemagne et remettant à d’autres le soin de faire ses propres affaires dans les Pays-Bas, concentra toute sa pensée sur l’Italie. Le maréchal de Maillebois y opérait dans un désaccord permanent avec les généraux espagnols ; ce désaccord ne cessa pas même en face de l’ennemi commun, et la journée de Plaisance vint s’ajouter aux dates sinistres de notre histoire militaire. L’Italie fut perdue une fois de plus jusqu’aux Alpes, et bientôt l’armée austro-piémontaise, passant le Var, envahissait en masses profondes la Provence et le Dauphiné. Une escadre anglaise