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fonder une religion, s’est réduite à ouvrir une école de discussions illimitées, nous ne voudrions pas n’avoir présenté ici que des spécimen des diverses interprétations de l’Écriture auxquelles elle a donné naissance, car ce serait risquer de la montrer précisément sous cet aspect de division et de variation qui n’est pas celui sous lequel nous aimons le mieux à la considérer. Des interprétations diverses, des systèmes, des dissidences, il en vient partout. Toute hérésie naît d’une orthodoxie quelconque. Tant que la raison humaine existera, elle multipliera ses points de vue, et si l’Angleterre produit tant de sectes, ce n’est pas parce qu’elle est protestante, c’est parce qu’elle est libre. Aussi, bien loin que l’existence de ces sectes soit une source d’indifférence religieuse, elle peut être et elle est souvent la cause d’une sainte émulation. Que n’a pas dû, sous le rapport de la foi et des œuvres, l’église établie aux évangéliques ? que n’ont pas dû les évangéliques aux méthodistes ? Mais de même que les nuances engendrent la controverse, on pourrait craindre que l’émulation, tournant à la jalousie, n’enfantât que luttes et discordes. Ces effets sont à redouter sans doute, et nier qu’ils se soient réalisés plus d’une fois serait donner un démenti à l’histoire. Heureusement la liberté qui les laisse se produire en diminue bien les périls, et ce serait d’ailleurs méconnaître les faits que de supposer que d’un libre et sincère débat résulte toujours l’antagonisme, jamais le rapprochement. Après s’être épuisées sur des différences dogmatiques, les sectes qui ont tout dit finissent par s’apercevoir que le même sentiment les anime, que le même livre les instruit, que la même espérance les soutient, qu’elles servent le même maître et se confient au même sauveur. C’est alors que leur diversité même sert à faire éclater davantage l’unité qui les lie et à marquer d’un caractère plus frappant de spontanéité leur soumission commune à la parole de Dieu.

Pour montrer comment, à côté de cette liberté de croire, de raisonner et de parler, subsiste une communauté de loi, de principes et de sentimens qui reproduit l’unité, j’ai envie d’esquisser l’histoire d’une œuvre d’association et de fraternité chrétienne qui, dans ces derniers temps, a pris naissance au cœur même des dissidences religieuses de la Grande-Bretagne ; on verra si cette Babel ne sait pas, quand elle veut, parler la même langue.

Plus d’une fois depuis vingt ans, du sein des congrégations qui ne sont pas appuyées ou compromises par un établissement politique, s’était élevé le vœu d’une réunion spirituelle qui, fondée sur une foi commune, ne pût être confondue avec l’étroite association des croyances particulières d’une secte ou l’agglomération fortuite des opinions flottantes d’indifférens de toute origine. En Suisse