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justiciables, les forcent à leur en faire plus d’une centaine, et s’en servent comme des esclaves. Vous jugerez aisément que les usurpations des communes (c’est-à-dire des biens communaux) sont ordinaires de la même part de ces tyrans ; celles des dîmes le sont aussi, sans compter plusieurs autres genres de pilleries qui ne doivent point être souffertes[1]. » Un « autre ajoute : « J’ai appris l’appréhension qu’ils ont (les paysans) des gentilshommes ou des officiers des villes, lesquels jouissent presque de tous leurs usages, et quelques autres usuriers auxquels les pauvres communautés sont engagées, qui ont eu l’adresse de prêter de l’argent aux principaux en leur particulier, ont intimidé ces pauvres gens par la crainte de leur autorité et par les menaces qu’ils font à leurs débiteurs de les faire périr en prison, s’ils les font assigner devant moi[2]. »

L’édit de 1667 rendit aux communes tous les biens usurpés ; remontant dans le passé, il annula toutes les ventes ou prétendues aliénations de biens qui avaient eu lieu depuis 1620, et autorisa les communes à rentrer de plein droit en possession de ces biens, en restituant ce qu’elles avaient pu recevoir pour la vente ou l’échange ; il annula également le droit de triage, en vertu duquel les seigneurs se faisaient attribuer le tiers des biens dont les communes avaient la jouissance usagère, et ne maintint que les triages antérieurs à 1630 résultant de titres légitimes. Le préambule de l’édit était très ferme ; il accusait les officiers municipaux, les seigneurs et les personnes puissantes de s’être prévalus de la faiblesse des communes pour les dépouiller de leurs biens. « Chacun, disait-il, s’en est accommodé selon sa bienséance, et pour déguiser les usurpations, on s’est servi de dettes simulées, et l’on a’abusé pour cet effet des formes les plus régulières de la justice. » Cette reforme était d’une hardiesse extrême, car elle exerçait sur le passé un effet rétroactif ; mais le gouvernement ne voyait dans les actes mis à néant que le résultat de l’abus et de la violence. L’édit fut porté avec solennité au parlement dans un lit de justice, l’enregistrement ne donna lieu à aucune difficulté ; mais deux années plus tard, un autre monument législatif, revenant sur les biens des communes et partant d’un tout autre point de vue, supposa que les biens communaux avaient pu être l’objet de concessions de la part des seigneurs et fit une distinction en faveur de ceux-ci. L’ordonnance des eaux et forêts de 1669 permit aux seigneurs d’exercer le triage sur les concessions gratuites qu’ils auraient faites, et attribua aux communes la pleine propriété des biens acquis par elles à titre onéreux, à la

  1. Lettre du 29 octobre 1663, Correspondance, tome Ier, p. 688.
  2. Lettre du 2 septembre 1665, ibidem, p. 758.