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que partout ailleurs. A. ces communautés de paysans qui vivaient sous leur protection, ils accordaient des usages dans leurs forêts et leurs pâturages ; ils leur donnaient même des terrains pour les posséder et les exploiter indivisément et en commun, en sorte que s’ils contribuèrent avec l’épiscopat à faire disparaître les grands et improductifs latifundia des municipes, les bourgs et les villages leur doivent leurs biens communaux. C’est surtout dans les usages et les concessions des monastères qu’il faut chercher le germe et l’origine des biens communaux des petites populations de la campagne[1]. »

Si ce dernier point était démontré, s’il était bien établi que la commune rurale s’est formée surtout des concessions des monastères, il faudrait en conclure que la révolution de 1789 a eu raison de rejeter toute distinction entre les grandes et les petites communes, et de se déclarer ouvertement contre la féodalité. Et comme les couvens et les monastères ne devaient point entrer dans la nouvelle organisation sociale, on serait en droit de dire qu’il y eut justice à attribuer ou à restituer leurs biens aux communes, aux habitans des campagnes, qui les possédaient à l’origine, et dont ils étaient demeurés simples fermiers pendant l’espace de plusieurs siècles, sous le règne de la féodalité. Le fait de l’usurpation primitive une fois constaté, en quoi importe-t-il en effet de distinguer entre les grandes et les petites communes, si ces dernières avaient été formées de leurs propres démembremens, ou entre les communes jurées et celles qui ne l’étaient pas, si les monastères avaient tout fait pour retenir les communautés d’habitans dans les liens seulement un peu relâchés de leur sujétion première ? L’usurpation qui était parvenue à traverser sans échec le mouvement des XIe et XIIe siècles avait-elle perdu pour cela son caractère ? Tout au plus, la distinction aurait-elle une valeur certaine à l’égard des concessions seigneuriales, les dépendances des châteaux ne s’étant formées qu’en partie des biens municipaux ; mais quand on a vu les seigneurs usurper tant de communaux et rendre ensuite quelques biens ou quelques usages à d’anciennes populations d’habitans ou à des populations nouvelles, ne pourrait-on pas aller jusqu’à dire que, pour les seigneurs eux-mêmes, toute concession ne fut qu’une restitution soit des biens usurpés, soit de biens ou d’usages par lesquels il leur plut de les remplacer ? Les légistes de l’assemblée constituante se gardèrent de distinctions que la science moderne n’est point encore parvenue à faire ressortir d’une manière triomphante, et lorsqu’ils admirent l’usurpation féodale pour point de départ de leur théorie,

  1. Histoire des Biens communaux, p. 242.