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sur les bords du Gange, ni dans la péninsule, où il ne restait que le souvenir de sa puissance. Jaloux d’effacer jusqu’à son nom de la mémoire des peuples de l’Inde, les Anglais avaient imposé, en septembre 1798, au vice-roi du Dekkan, Nizam-Ali, un traité qui obligeait ce prince à ne plus recevoir de Français à son service, à chasser les officiers de cette nation employés dans ses armées, et à licencier toute l’infanterie, commandée naguère par le général Raymond, mort depuis quelques mois. En échange de ces troupes dont il lui fallait faire le sacrifice, Nizam-Ali acceptait six mille cipayes anglais, avec une artillerie européenne proportionnée à la force de ce corps. Il va sans dire qu’un subside annuel de plus de 20 lacks de roupies devait être payé annuellement aux bienfaiteurs de Nizam-Ali, qui se chargeaient d’aplanir toutes les difficultés présentes et de se placer entre lui et les Mahrattes[1].

Par ce traité, les Mahrattes se trouvaient comme bloqués du côté des provinces du Nizam, objet constant de leur convoitise, et aussi privés de l’appui éventuel de ce prince dans le cas d’une rupture avec la compagnie anglaise ; ils comptaient encore sur Tippou-Sahib pour contre-balancer les effets de cette négociation. L’année suivante, le roi de Mysore succombait les armes à la main dans sa capitale prise d’assaut, et la puissance anglaise se trouvait complètement affermie dans le Dekkan comme dans la péninsule. Épouvantés d’une catastrophe dont ils comprenaient toute la portée, le peshwa et bientôt après le mahârâdja Dowlat-Sindyah se hâtaient d’apporter au major Palmer, résidant à Pounah, le tribut de leurs félicitations les plus sincères. Le mensonge était flagrant ; Badji-Rao et Sindyah avaient fait des vœux beaucoup plus sincères pour le triomphe de Tippou, le premier en formant avec lui une alliance secrète, le second en excitant les débris de son armée à une résistance désespérée et désormais impossible. On conçoit que les traités subis dès lors par le gouvernement mahratte furent assez semblables à ceux que Nizam-Ali avait dû accepter ; toutefois Nana-Farnéwiz et le peshwa mirent en œuvre toutes les ressources de leur esprit pour résister à l’influence d’une politique qui portait à leur pays un coup

  1. Les états du Nizam constituent, sous le nom de Soubabie du Dekkan ou de Hyderabad, une des vice-royautés de l’empire mogol. À la même époque, 1799, les Anglais contraignaient le nabab d’Oude, vizir de l’empire mogol, à licencier ses troupes et à les remplacer par une armée exclusivement britannique. Le nabab ayant objecté que ses moyens ne lui permettaient pas de subvenir aux frais de l’entretien de cette nouvelle armée, il fut sommé d’abandonner la direction des affaires civiles et militaires de son pays entre les mains de la compagnie, moyennant une pension convenable à son rang, pour lui et pour sa famille. De plus on lui fit connaître qu’il eût à affecter au gouvernement de la compagnie une étendue de territoire dont le revenu pût suffire à l’entretien de cette armée exclusivement britannique… (Voyez W. Cooke Taylor, A popular History of British India.)