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l’art religieux. M. Le directeur des cultes a cité le nom de plusieurs savans dont les travaux auraient puissamment contribué, selon lui, à la restitution des grands monumens de la musique religieuse. Parmi les noms plus ou moins obscurs qu’il a signalés à l’attention publique, nous avons été bien étonné de ne pas trouver le plus illustre de tous, celui de Choron! L’oubli d’un pareil nom est d’autant plus surprenant que l’école de M. Niedermeyer n’a été fondée que pour suppléer au vide qu’avait laissé dans l’enseignement la grande école de musique classique et religieuse créée en 1816 par Alexandre Choron. Voilà pourtant comment on traite l’histoire dans les discours officiels. On semble croire que la France est née d’hier et que Rome s’est faite en un jour. Après M. Le directeur-général des cultes, M. Le prince Poniatowski, président du comité de surveillance, a clos la partie littéraire de la séance par une allocution aux élèves, où le noble dilettante s’est aventuré dans des considérations historiques qui nous ont paru être en contradiction avec l’esprit qui règne dans sa réponse à M. Troplong. Nous avons surtout remarqué le passage suivant : « Il n’y a pas de musique allemande, française ou italienne; il n’existe que deux sortes de musique, me disait dernièrement Rossini : la bonne et la mauvaise. » J’en demande bien pardon au grand maestro et à son interprète, M. Le prince Poniatowski : il y a positivement une musique empreinte du caractère national, ce qui n’empêche pas qu’on ne trouve de la bonne et de la mauvaise musique dans tout pays. Il est évident que la musique de Rossini et de Cimarosa ne ressemble pas à celle de Weber ou de Beethoven, et que cette différence tient moins au caractère de l’inspiration individuelle qu’au génie de la nation à laquelle appartiennent les compositeurs. Si nous avions pu répondre à M. Poniatowski, nous aurions trouvé parmi les morceaux qui ont été exécutés après son discours par les élèves de M. Niedermeyer un exemple frappant à l’appui de notre opinion. La Bataille de Marignan, chœur à quatre parties de Clément Jannequin, qui a été chanté avec beaucoup de verve et d’entrain par les élèves de l’école, est une composition curieuse où, avec de simples combinaisons de rhythme et sans le secours de la modulation, le musicien du XVIe siècle a pu révéler déjà d’une manière remarquable l’esprit dramatique de la nation française. A côté de la Bataille de Marignan, on a chanté avec moins d’ensemble et de justesse un Kyrie d’une messe de Palestrina, un Ave Maria, motet à trois voix de la composition de M. Niedermeyer, d’un style simple et fort élégant, et un prélude pour l’orgue de Sébastien Bach, qui a été exécuté sur le piano, avec pédalier, par l’élève Magner. Nous engageons M. Niedermeyer à ne pas oublier dorénavant que l’école qu’il dirige avec intelligence et beaucoup de soins n’est encore qu’une imitation très imparfaite de celle fondée par Alexandre Choron sous le gouvernement de la restauration, et qui lui a servi de modèle.

Un de ces bons professeurs de province qui sont obligés par leur position de tout savoir et de tout enseigner, M. Charles Dupart, organiste de la cathédrale de Belley, a fait, comme on dit vulgairement, de nécessité vertu, en trouvant une méthode pour l’enseignement simultané de tous les instrumens à vent. Qu’un maître ait à former vingt ou trente élèves à la fois, dit M. Dupart, avec le système des leçons individuelles, il ne pourra guère consacrer à chacun d’eux plus de douze ou quatorze minutes, en s’imposant à lui-même