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compte 80 commerçans, 43 fabricans, 42 détaillans et petits industriels, 25 entrepreneurs, 4 horticulteurs, 14 brasseurs et tanneurs, et seulement 12 propriétaires. Le succès de ces diverses unions a donné naissance, à ce qu’il semble, à un projet d’organisation générale du crédit industriel, commercial, agricole et foncier en Belgique, projet dont la réalisation devait être poursuivie par une association nommée ligue du crédit. La ligue avait pris pour devise : « Souveraineté du travail et de la propriété sur les institutions de crédit, inviolabilité du compte-courant aussi longtemps que les garanties subsistent.» Elle se proposait « le but suprême et final d’élever l’indépendance du Belge comme travailleur à la hauteur de son indépendance comme citoyen, en l’affranchissant de l’intermédiaire, aussi onéreux qu’insuffisant, des banquiers et des banques d’actionnaires. »

Cette phraséologie un peu ambitieuse exprimait seulement la pensée de faire pénétrer dans les deux mille cinq cent vingt-quatre communes de la Belgique les ressources du crédit au moindre prix possible, à l’aide de comptoirs de crédit créés sur le modèle de l’Union du Crédit de Bruxelles dans chaque chef-lieu de canton, reliés par des comptoirs de virement placés au chef-lieu d’arrondissement, lesquels, rattachés les uns aux autres par des banques d’union instituées au chef-lieu de chaque province, auraient pour centre commun la banque d’émission dont le siège serait à Bruxelles. Le sous-comptoir devait être la base de l’édifice : à lui seul le pouvoir d’admettre les associés mutuels et de distribuer le crédit; tous les autres rouages n’auraient eu pour but que de régulariser l’action génératrice du premier. Les comptoirs d’arrondissement auraient centralisé les demandes et les offres d’emprunt, et soldé par des viremens les comptes des sous-comptoirs. Les unions provinciales eussent été chargées d’alimenter les comptoirs en recevant les émissions de la banque centrale, ainsi que les soldes restés disponibles de chaque comptoir, et en restant dépositaires des réserves d’obligations et de billets remis par la banque de Bruxelles. Dans cette organisation, tous les établissemens autres que le sous-comptoir ne remplissent réellement que des fonctions administratives. Le sous-comptoir est seul une véritable institution de crédit.

À ce plan une première et radicale objection peut être faite. Dans tous les cantons de Belgique, la science économique est-elle assez répandue pour qu’on puisse sans la pression de l’autorité, — et je n’ai pas besoin de faire remarquer que les propagateurs de la ligue appartiennent à l’école libérale, — pour qu’on puisse, dis-je, trouver un nombre suffisant de personnes disposées à s’assurer mutuellement les ressources du crédit? Si cette base première fait défaut, point d’édifice possible; or il ne semble pas que les prédications de