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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/996

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février 1859.

Enfin nous commençons à voir clair ! Nous sommes, Dieu merci ! sortis de cette nébuleuse atmosphère remplie de rumeurs sourdes et vagues où ondoyaient des hypothèses sinistres, où erraient les anxiétés grelottantes. Quelques flèches de lumière ont traversé ces ténèbres, et nous ne sommes plus réduits à faire aux fantômes une chasse indécise. Les causes du trouble actuel de l’Europe se laissent discerner : d’importantes révélations nous permettent de mesurer nos espérances et nos craintes. Nous avons devant nous des faits officiels, des faits réels, substantiels, palpables : nous avons la discussion de l’adresse dans le parlement britannique, le discours de l’empereur à l’ouverture de la session, l’emprunt du Piémont, accompagné d’une circulaire diplomatique de M. de Cavour et d’un intéressant débat du parlement sarde. Ces manifestations politiques n’ont pas seulement éclairé des faits considérables : précédées ou suivies de curieuses publications, elles ont fait connaître les systèmes que les difficultés présentes mettent aux prises. L’opinion, qui jusqu’alors n’avait pu que témoigner vaguement, quoique avec une singulière unanimité, de ses préférences pacifiques, a désormais dans les faits et les systèmes connus des données à l’aide desquelles elle est en état de se prononcer avec plus de précision et d’autorité. Enfin, en présence des faits accomplis, des systèmes dévoilés et de l’opinion édifiée, l’on peut avec moins de témérité calculer les éventualités de l’avenir. Faits, systèmes, état de l’opinion, éventualités futures, nous allons nous-mêmes passer en revue ces élémens divers de la situation où l’Europe est engagée. Disons-le tout de suite, c’est avec une disposition d’esprit confiante que nous entreprenons cet examen. Sans doute les difficultés sont grandes ; mais le génie de la fatalité, la guerre, n’a point encore fait invasion dans les affaires de l’Europe. Si grandes qu’elles soient, les difficultés peuvent encore être résolues par la raison, et les solutions de la raison sont toujours pacifiques.