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Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/1024

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tombée sous le fusil d’un Français. Une des premières de son espèce, elle a été offerte à notre curiosité, et voilà soixante ans que nous venons contempler cette reine de l’Afrique, abattue par Le Vaillant au pays des Petits-Namaquois. Le jour où notre compatriote faisait entendre le bruit de la poudre à ces lointains échos qui n’avaient répété encore que le cri des bêtes fauves, il prenait pour ainsi dire possession, au nom de l’homme blanc, des régions inexplorées qui s’étendent dans le midi de l’Afrique, et il inaugurait cette série d’expéditions aventureuses et de guerres contre les grands animaux sauvages dans lesquelles devaient le suivre quelques hommes hardis comme lui. Après lui, sont venus Harris, Delegorgue, Cumming et Whalberg, contre lequel les animaux ont pris leur revanche, et enfin l’Afrique australe a vu avec Anderson le révérend David Livingstone pénétrer dans ses solitudes.

Depuis Le Vaillant, le théâtre des combats de l’homme et des animaux sauvages a remonté loin vers le nord au profit de la géographie. Les connaissances que nous avons acquises de l’aspect et de la configuration de l’Afrique australe sont presque entièrement dues aux chasseurs, car cette portion du continent n’a pas été, comme le Soudan et d’autres régions, le théâtre de grandes expéditions scientifiques. Sans doute il en résulte quelque infériorité dans la valeur des notions ainsi obtenues; elles sont moins certaines et moins précises, et nous ne sommes pas en droit de demander à l’aventureux sportman, curieux avant tout de lutte et de butin, autant qu’à ce voyageur calme, observateur, à l’esprit savant, judicieux et bien préparé, qui naguère nous retraçait jour par jour son long itinéraire de Kuka à Timbuktu. Toutefois nous aurions mauvaise grâce à nous plaindre, et si des géographes tels que M. Desborough Cooley ont pu trouver quelquefois en défaut le voyageur dont nous nous occupons aujourd’hui, et signaler dans ses cartes quelques contradictions, il n’en est pas moins vrai que c’est à lui et à ses émules que nous devons la connaissance du lac N’gami, du haut Zambèze, de vingt grands cours d’eau et des principaux caractères topographiques de ces régions de l’Afrique australe que nos cartes nous représentaient, il n’y a pas trente ans, avec cette légende familière à l’Afrique : terres inconnues.

On sait déjà que le révérend David Livingstone, parti de la ville du Cap, et une autre fois de la baie d’Algoa, est remonté droit dans le nord par le centre de l’Afrique, et que de là il a été, en plusieurs voyages, à la mer des Indes, le long du Zambèze, et à la ville de Saint-Paul de Loanda, sur l’Océan-Atlantique. Les lecteurs de la Revue ont été tenus au courant de ses principales découvertes[1]. Aujourd’hui la traduction qu’on vient de publier permet d’entrer dans quelques détails nouveaux sur la physionomie des régions visitées par l’intrépide voyageur et sur celle de leurs habitans.

On a vu déjà que les deux grandes races indigènes de l’Afrique méridionale sont les Cafres et les Hottentots : ceux-là actifs, belliqueux, hostiles aux étrangers; ceux-ci doux, paisibles, indolens. Nombre de tribus sont sorties de leur mélange, plus ou moins misérables, mais généralement affables et bienveillantes. Ce caractère de bienveillance est particulier à l’Afrique aus-

  1. Voyez la Revue du 1er août 1857.