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qu’on a recueillies sur la structure, sur les caractères distinctifs de la plante, sur la production et la consommation du sucre, les procédés de fabrication qu’on a découverts, ceux qu’on indique ou qu’on étudie encore chaque jour, ce sont là autant d’élémens d’une question où la part des difficultés vaincues balance déjà, on va le voir, et peut surpasser un jour celle des difficultés à vaincre.


I.

La canne à sucre croît spontanément sur les rives de l’Euphrate ; mais on la regarde comme originaire de l’Inde et de la Chine, où depuis un temps immémorial le jus extrait des tiges de cette plante est utilisé pour l’alimentation des habitans. Les Indiens et les Chinois en ont fait les premiers un usage direct, et sont parvenus à en obtenir, par des moyens très simples, des sirops et le principe immédiat solide, en cristaux plus ou moins volumineux, type du sucre le meilleur que l’on puisse tirer des différens végétaux. Le témoignage des anciens confirme cette origine du sucre, car c’est aux Indiens que s’applique ce vers de Lucain :

Quique bibunt tenerà dulces ab arundine succos.


Le nom même donné au sucre, qui signifie suc doux, vient du sanscrit scharkara, et scharkar, chez les Persans, a la même signification.

Ce sont, au dire de plusieurs historiens, les Chinois qui ont porté la canne à sucre en Arabie, d’où la culture s’en répandit en Égypte, puis en Ethiopie. Vers 1420, le régent de Portugal, dom Henri, fit importer la canne à sucre de Madère en Sicile ; mais jusqu’en 1471 on n’obtint du jus de la canne qu’une sorte de moscouade fauve, plus ou moins impure. À cette époque enfin, le procédé de raffinage du sucre en pains fut découvert à Venise, dans cette belle et active cité où la verrerie, la cristallerie, le raffinage du borax, le raffinage du camphre et tant d’autres industries furent portés à un si haut point de perfection. Les Chinois sans doute étaient, longtemps avant la fin du XVe siècle, parvenus à épurer complètement le sucre, notamment sous la forme de cristaux isolés d’une grande pureté, que l’on a retrouvés dans de très anciennes collections, et qui semblent avoir été préparés suivant la méthode de cristallisation lente par un étuvage prolongé ; mais il avait été impossible d’imiter leurs procédés par suite des obstacles de tout genre qui séparaient ce pays du reste du monde, et qu’il était réservé à notre époque de surmonter. Chose bien remarquable d’ailleurs, un produit semblable, préparé dans