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dant les secours qu’elle promettait, de ranimer le plus qu’il se pourrait le vieil esprit de la fronde. Pour cela, il fallait descendre assez bas dans le peuple, car tous les honnêtes gens soupiraient après la paix. On faisait mine de condescendre à ce vœu, et, comme on était sûr que Mazarin victorieux n’irait pas reprendre le chemin de l’exil, on se donnait un air de modération en envoyant à la reine des députations où l’on proposait de se rendre sans autre condition que celle-là, qui ne pouvait pas être acceptée. En même temps on pesait sur toutes les autorités municipales pour les entraîner de gré ou de force, et le 4 juillet eut lieu à l’Hôtel de Ville une scène révolutionnaire[1], digne des plus mauvais jours de la ligue, où la populace déchaînée, soutenue par une soldatesque mal déguisée, se porta aux derniers excès envers les magistrats assemblés, et, sans bien distinguer entre eux, les maltraita à tort et à travers, en blessant beaucoup et en massacrant quelques-uns. Un cri de douleur retentit dans toute la bourgeoisie parisienne. Par pudeur, il fallut bien arrêter un certain nombre de ces misérables, et deux même furent pendus ; mais l’horreur générale qu’excita cette sanglante émeute n’en fut pas diminuée.

Le 20 juillet, on fit un pas de plus : le parlement intimidé, et réduit à un petit nombre de membres déjà trop compromis pour avoir été rejoindre leurs collègues convoqués par le roi à Pontoise, rendit, sur la proposition du fameux président Broussel, un arrêt solennel par lequel le duc d’Orléans était déclaré lieutenant-général du royaume pour le service du roi « prisonnier du cardinal Mazarin,» le prince de Condé généralissime, et le duc de Beaufort gouverneur de Paris à la place du maréchal de L’Hôpital. Le même jour, ce bel arrêt était adressé à tous les parlemens de France ; le 23 juillet, le duc d’Orléans écrivait aux divers gouverneurs de province en la nouvelle qualité dont il venait d’être revêtu, et le 24 il venait au parlement avec M. Le Prince, demandant qu’on avisât aux moyens de trouver de l’argent pour faire de nouvelles levées, solder les gens de guerre, et compléter les 150,000 livres destinées à récompenser celui qui apporterait la tête du cardinal Mazarin. Immédiatement un arrêt était pris, enjoignant de procéder sans délai à la vente de ce qui restait des meubles, tableaux et statues du cardinal, de saisir tous ses revenus, et d’ajouter cet argent à celui qu’avait

  1. Il y en a bien des relations. Voyez celles de Tavannes et de Conrart. La Rochefoucauld nous paraît avoir très bien vu le dessous des cartes de cette malheureuse affaire. « Pour moi, dit-il, je pense que Monsieur et M. Le Prince s’étoient servis de M. de Beaufort pour faire peur à ceux de l’assemblée qui n’étoient pas dans leurs intérêts, mais qu’en effet pas un d’eux n’eut dessein de faire mal à personne. Ils apaisèrent promptement le désordre, mais ils n’effacèrent pas l’impression qu’il avoit faite dans les esprits. »