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modément aux divers membres du cabinet; et s’il les communiquait de cette façon, c’était vraisemblablement pour que les membres du cabinet pussent réfléchir sur les idées contenues dans ces dépêches et en causer (je ne dis pas en délibérer) entre eux. Les événemens ne mettaient pas jusqu’ici la question des Iles-Ioniennes à l’ordre du jour, et le cabinet anglais a pu regretter, il y a quatre ou cinq mois, qu’une indiscrétion l’y mît avant le temps qu’il s’était fixé; mais en même temps le gouvernement anglais croyait que les idées contenues dans les dépêches de sir John Young méritaient, toutes hardies et toutes neuves qu’elles semblaient, une sérieuse attention, que ce n’était pas là une vaine utopie ou une concession débonnaire aux vœux des populations ioniennes, qu’il pouvait enfin y avoir là le commencement d’une conduite nouvelle à tenir pour l’Angleterre en Orient.

Je demande pardon aux Iles-Ioniennes si je ne crois pas que ce soient leurs réclamations patriotiques qui aient décidé sir John Young à proposer leur annexion au royaume de Grèce. Je demande aussi pardon à mes amis d’Athènes si je ne crois pas davantage que ce soit par affection pour la Grèce que le gouverneur des Iles-Ioniennes ait exprimé cette idée. On pourrait attendre cette libéralité d’un philhellène français. Sir John Young a eu, si je ne me trompe, une autre pensée. Quelle est cette pensée?

Ici je suis réduit aux conjectures, et peut-être me reprochera-t-on d’attribuer au cabinet anglais plus de sagesse et plus de libéralisme qu’il ne s’en attribue lui-même; mais, quelles que soient les intentions du cabinet anglais, je le défie de pouvoir retirer désormais de la circulation des idées en Angleterre et en Europe les deux grands principes que contiennent les dépêches de sir John Young. J’ai tort de dire que je l’en défie; je ne le soupçonne même pas de le vouloir. Ces deux grands principes sont : 1° il est temps que l’Angleterre en Orient quitte l’ornière de sa vieille politique, cette politique est devenue une véritable impasse; 2° le principe de la nationalité doit en Orient servir de règle aux décisions de la diplomatie.

Reprenons rapidement ces deux principes, et voyons l’importance qu’ils ont dans l’état actuel de l’Orient.


I.

Sir John Young à Corfou est dans un des meilleurs observatoires du monde pour surveiller en Orient ou plutôt dans l’Europe orientale l’état des choses et des esprits. Dans l’état des choses, il y a un point qu’il signale à l’attention du gouvernement anglais : ce sont les progrès et les projets de l’Autriche dans l’Adriatique. Par Trieste,