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royaume, mais un roi des Grecs. Cette consolidation patriotique du trône hellénique a été un événement en Orient.

La Grèce peut donc gagner beaucoup à la proclamation du principe de la nationalité en Orient; mais la Grèce doit moins y gagner que la Turquie n’y doit perdre. Ne nous y trompons pas : le principe de la nationalité en Orient est le principe destructif de l’empire ottoman, qui n’est fondé que sur l’oppression des nationalités chrétiennes. Les Turcs sont partout le petit nombre commandant au grand, et un petit nombre qui n’est pas une élite, de telle sorte qu’il n’y a là aucune des causes du pouvoir ou de la force ici-bas, ni la quantité ni la qualité. Pressée de tous côtés par les Roumains, par les Serbes, par les Bulgares, par les Albanais, par les Grecs, en Europe et dans une grande partie de l’Asie-Mineure, que voulez-vous que devienne la race turque, quand l’Angleterre elle-même ou ses agens principaux déclarent que les états en Orient doivent se faire et se défaire selon les sympathies nationales et non plus selon le droit d’une vieille conquête changée en oppression, et par conséquent devenant chaque jour moins légitime? Si les Grecs des Iles-Ioniennes ont droit, de l’aveu même de l’Angleterre, à se réunir au royaume hellénique, pourquoi les Grecs de la Crète, de Rhodes, de Samos, de Chio, n’auraient-ils pas le même droit? pourquoi ceux de la Thessalie, de l’Épire, de la Macédoine, seraient-ils exclus de cette fédération du royaume hellénique?

Tes pourquoi, dit le dieu, ne finiront jamais.


Eh non! il y en a un pour chaque village chrétien opprimé par les Turcs; mais ici encore-ne dites pas que ce sont les lettrés qui mettent partout des points d’interrogation, qui soulèvent partout le doute et la difficulté. Je suis persuadé que sir John Young, comme tous les Anglais distingués, est très lettré; cependant ce n’est pas à titre de lettré qu’il propose à l’Angleterre de céder les Iles-Ioniennes au royaume hellénique, c’est comme gouverneur de ces îles, et ce n’est pas non plus dans une correspondance littéraire et archéologique qu’il fait cette proposition; c’est dans des dépêches d’état. Ne vous en prenez donc pas aux lettrés du nouveau point d’interrogation qui vient d’être mis au maintien de l’empire ottoman et à sa laborieuse intégrité; prenez-vous-en aux dépêches de sir John Young. — Il ne les a pas publiées. — C’est vrai; mais qu’importe, s’il les a écrites? Ses dépêches ne vous appartiennent que par une indiscrétion. — Soit; mais sa pensée nous appartient et fortifie notre cause. Nous aimons mille fois mieux pour notre cause que sir John Young ait pensé ainsi, sans vouloir le dire au public, que si,