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l’adoption de la loi qui substituait le grec moderne à l’italien comme langue officielle. Il ne sera plus nécessaire, disait-il, d’envoyer les jeunes gens en Italie, où ils prenaient de mauvais principes. « Cela me sembla, continue sir Edward Giffard, indiquer le projet ou tout au moins l’idée que ces îles pourraient bien un jour faire partie de la Grèce, et si le royaume grec prospère, cela en vérité est inévitable. »

A mesure qu’on étudie la question ionienne dans les documens anglais, on arrive à croire que ce qu’on a pris pour un coup de tête ou pour une opinion hardie de la part de sir John Young, pour une grave indiscrétion de la part du Daily News, est une idée déjà ancienne en Angleterre et souvent débattue. Le Quarterly Review de 1852 pose la question comme l’a posée sir John Young : « A quoi sert à l’Angleterre le protectorat des Iles-Ioniennes? » Déjà lord Grey en 1849, dans une dépêche à sir H. Ward, disait fort nettement que « les Ioniens ne devaient pas oublier que le protectorat avait été établi dans l’intérêt des Iles-Ioniennes plutôt que dans celui de l’Angleterre, et qu’il fallait que cette protection fût estimée et soutenue, si on voulait qu’elle fût maintenue. » — « l’Angleterre n’a, ajoute le Quarterly Review, aucun besoin des îles méridionales qui bordent la côte occidentale et méridionale de la Morée. Elle ne doit tenir qu’à Corfou, parce que Corfou est la clé de la mer Adriatique et de la route des Indes vers Trieste, comme Malte est la clé aussi de cette route vers Marseille. L’Angleterre ne peut donc pas abandonner Corfou et Paxo, qui dépend de Corfou. L’intérêt de Corfou est d’être incorporé à l’empire britannique et d’être une colonie anglaise, tandis que Céphalonie, Zante, Sainte-Maure, Ithaque et Cerigo seraient annexées au royaume de Grèce avec la même garantie, c’est-à-dire sous le protectorat collectif de la France, de la Russie et de l’Angleterre. Cette protection est nécessaire pour sauver les Iles-Ioniennes du danger de tomber aux mains de quelque autre puissance. » Puis le Quarterly Review, continuant à énumérer les raisons qu’a l’Angleterre d’abandonner les îles méridionales et de garder Corfou, faisant, pour ainsi dire, d’avance et mot à mot les dépêches de sir John Young, explique quelles différences de race, de sentiment et de situation géographique il y a entre Corfou et les cinq îles méridionales; l’écrivain anglais conclut enfin en faisant valoir un motif important pour l’abandon des Iles-Ioniennes, motif qui a dû aussi avoir sa part dans les dépêches de sir John Young. « Tant que nous gardons les Iles-Ioniennes, dit-il, les journaux ioniens jouissant de la liberté de la presse, écrits en grec et lus dans tout l’Orient, ne cessent d’y discréditer l’Angleterre. Ils déclament avec violence contre l’Angleterre et contre les Anglais, et comme ils ne sont pas punis, les Orientaux, qui ne croient qu’à la