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PHILOSOPHIE
DE
L’ÉCONOMIE POLITIQUE

Traité théorique et pratique d’Économie politique, par M. Courcelle-Seneuil.



Il y a pour les sciences des momens critiques : ce sont ceux où leurs langues et leurs procédés se vulgarisent, où il devient facile, même à des esprits faussés ou médiocres, de prendre une certaine importance aux yeux du public. On voit alors se multiplier les travaux sans méthode et sans portée; les bases posées par les maîtres disparaissent sous le fatras des détails. J’ai peur que l’économie politique n’en soit là : elle présente dans son état actuel des contrastes étranges. La langue d’Adam Smith, de Say, de Bastiat, de Stuart Mill, est comprise, acceptée partout : il se fait un grand remuement d’idées sous l’enseigne économique; mais ce labeur manque d’ensemble et d’autorité. La science n’a pas su encore constater sa légitimité en se résumant d’une manière intelligible pour tous. Quand elle rend des services, ceux qui en profitent en ont à peine conscience; il semble au contraire que le nombre de ses adversaires augmente à mesure qu’elle devient utile. Elle est repoussée par les classes qui aiment à se retrancher dans les traditions du passé, et suspecte aux multitudes où l’on rêve un meilleur avenir. Parmi les hommes d’état qui dirigent l’Europe en ce moment, on en compterait une dizaine qui s’honorent d’être rangés parmi les économistes; mais on en cite beaucoup d’autres, et même des hommes très spirituels, qui trouvent plus simple de nier absolument que l’activité humaine ait