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thode rationnelle, les faits et les déductions s’enchaînent dans une trame solide, et la lumière semble tomber naturellement de l’idée générale sur plusieurs des points douteux et controversés aujourd’hui. Des démonstrations nouvelles ont été introduites dans le domaine de la science, et plusieurs y laisseront leur trace : par exemple la séparation de la science et de l’art, que les maîtres avaient conseillée, mais non exécutée; l’art industriel, c’est-à-dire le milieu où s’exerce l’industrie considéré comme un des élémens.de la force productive; l’épargne présentée comme une des formes du travail humain, et digne à ce titre de rémunération. La donnée relative à la population, incomplète peut-être, me semble le point de départ d’une doctrine destinée à effacer les paradoxes de Malthus. Je ne crois pas qu’on puisse publier à l’avenir un traité théorique sans y spécifier les deux modes possibles de la distribution des richesses, suivant l’autorité et suivant la liberté. Il faut recommander enfin aux philosophes et aux jurisconsultes la théorie nouvelle du droit de propriété, que l’auteur de la ploutologie confirme si heureusement en le présentant comme le germe de cette activité industrielle qui assure la puissance des nations.

Quelles qu’aient pu être jusqu’à présent l’insuffisance de sa méthode générale et l’indécision de ses tendances, la science économique a rendu aux sociétés d’innombrables services. Que d’erreurs dissipées depuis un siècle seulement! que de vérités mises en lumière! Il y a des notions tellement simples et évidentes, qu’on les croirait aussi vieilles que le monde, et cependant elles ne datent que de notre âge; on ne soupçonne pas ce qu’il a fallu d’étude, de controverse subtile, quelquefois même de courage personnel, pour les faire prévaloir. Des illusions de la prétendue balance du commerce, de la réglementation des procédés d’atelier, des erreurs sur la nature et le rôle de la monnaie, des obstacles à la circulation des denrées, et de cent autres hérésies économiques qui n’existent plus, ont découlé pendant des siècles, avec des torrens de sang, spoliations, persécutions, misère et révoltes ! Les monopoles sont généralement décriés; on les tolère comme faits, mais il faudrait une sorte de courage pour les défendre en principe. La révision des tarifs douaniers est à l’ordre du jour, même dans les pays systématiquement hostiles aux innovations. Les lois pénales contre l’usure ont été partout mises en question sous l’influence de la dernière crise commerciale, et sont restées très ébranlées.

On verra lever et fructifier encore bien d’autres semences jetées au vent, et qu’on pouvait croire perdues. Au commencement de ce siècle, un économiste éminent, Henri Storch, est appelé à faire l’éducation gouvernementale d’un enfant qui devait être plus tard l’em-