transmis ; on devait refuser de se charger de tous ceux qu’il pourrait donner. Les seules personnes admises en sa présence étaient le médecin du roi (proto-medico), le confesseur du prince, son barbier et un valet de chambre, ce dernier désigné par le roi parmi ses gardes particuliers (monteros). À cette occasion, M. Prescott observe que ce règlement était bien fatigant, et pour le prince d’Éboli, et pour les six seigneurs transformés en geôliers, et il est conduit à soupçonner que dans l’intention de Philippe la captivité de don Carlos ne devait pas durer trop longtemps. La remarque est bien naturelle de la part d’un citoyen des États-Unis, où probablement on ne trouverait pas facilement six personnes de bonne compagnie pour monter la garde auprès d’un prisonnier ; mais alors et dans une cour ces fonctions ne paraissaient pas fort pénibles. Longtemps après, Louis XIV persuada aux plus grands seigneurs de France qu’ils étaient fort honorés de loger dans les chambres médiocrement meublées et assez mal commodes qu’il leur donnait à Versailles. Tous se félicitaient d’être ainsi à portée de se lever avant le jour pour faire antichambre à l’Œil-de-Bœuf, et assister au lever de sa majesté. Les plus fiers, et le duc de Saint-Simon entre autres, étaient heureux de faire ce métier, qui ne durait pas des mois, mais la vie d’un homme. Que don Carlos fût gardé par des gentilshommes, rien de plus simple, et il n’en faut pas conclure que pour ne pas abuser de leur patience, le roi voulût abréger les jours de son fils.
Don Carlos montra d’abord une irritation furieuse, et même essaya, dit-on, de se donner la mort ; puis à ces accès de rage succéda une sorte de désespoir stupide. Indifférent pour tout ce qui l’entourait, il refusait de parler ; il rejetait les livres de dévotion qu’on lui présentait ; il ne voulait admettre ni son confesseur ni son médecin. Sa santé déclinait rapidement. Il était miné par une fièvre lente. Le médecin déclara au roi que sa fin était prochaine et inévitable. Alors une idée terrible vint assaillir Philippe II : si, mourant dans le désespoir, son fils allait perdre son âme, il en serait peut-être responsable.
Un père Suarez, autrefois aumônier du prince, passait pour avoir conservé quelque influence sur le désespéré, qui parfois lui avait montré de l’affection. Le roi le pria d’écrire à don Carlos, et la lettre de cet ecclésiastique, datée du 18 mars, est une des pièces qu’on cite à l’appui des hypothèses inventées pour expliquer la catastrophe. M. Prescott, toujours préoccupé de l’accusation d’hérésie, fait ressortir en faveur de son système un des passages de cette lettre ; mais j’ai le regret de trouver sa traduction un peu trop libre. On en jugera. Après avoir assez durement déclaré au prisonnier que personne ne s’intéresse à son sort, Suarez ajoute,